Pierre Parguel, homme de dialogue

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Pierre Parguel de l’Institut de l’élevage de Franche-Comté, homme de dialogue et d’écriture, prend le temps d’un regard sur une carrière qui l’a mené du pied des Cévennes au Massif du Jura.

Ce qu’il nomme “les hasards de carrière” l’a conduit à se consacrer entièrement à l’agriculture franc-comtoise, où sa connaissance des personnes, des réseaux et des réalités économiques fait merveille.

Après une formation de fromager à l’ENIL de Poligny, suivie d’une formation en économie laitière à l’IESIEL à Paris, il fait très vite le choix de “s’intéresser aux produits de terroir”, sans doute par atavisme. Ses grands-parents, son père et son beau-père travaillent dans le fromage, plus particulièrement le négoce. La branche maternelle plonge ses racines dans le Sud de l’Aveyron, là où le Roquefort est roi. C’est là qu’il exercera pendant quelques mois en tant que “chargé de recherche” pour l’AOP Roquefort, avant de revenir aux bases du métier : la production et l’affinage. « Pendant un temps, j’ai gagné ma vie comme ramasseur de lait et caviste à la tâche, dans le Beaufort. Puis j’ai travaillé pour une coopérative de 6 millions de litres de lait en AOC Laguiole, dont les 20 salariés, associés avec les producteurs, cherchaient à relancer l’aligot en développant des produits surgelés. »

Ce qui l’enthousiasme, c’est l’innovation, dans tous les domaines : améliorer la qualité des produits mais aussi les conditions de travail des salariés, introduire des stratégies modernes de gestion et de vente… En 1987, il a l’opportunité d’intégrer l’Institut Technique de l’Élevage Bovin (ITEB devenu depuis l’Institut de l’élevage) et commence un parcours enrichissant au contact des filières AOP de Franche-Comté et du développement agricole.

Difficile de définir un métier où le facteur humain est primordial. « Je crée des ponts entre les gens qui ont des compétences techniques, économiques, entre les fromagers et les techniciens laitiers, entre les organismes… Je leur donne des outils pour qu’ils gagnent du temps pour se parler, prendre des décisions et mettre en place les points à améliorer. Je suis persuadé que l’amélioration de la technique peut servir le produit, le paysan et le territoire. » Pour la filière Comté, il aidera à formaliser la réflexion globale menée sur la qualité à travers la rédaction de la Charte, la qualification, les contrôles…

Un outilleur

Ses missions l’ont conduit à intervenir au-delà de la Franche-Comté. Au niveau national, il anime un groupe de chercheurs en microbiologie pour les AOP. Il travaille également sur les relations franco-suisses dans le cadre d’un projet Interreg. « Nous avons entrepris un important travail avec le Comté pour rassembler les AOP du côté français et nous avons pu ouvrir le débat transfrontalier sur trois éléments fondateurs de nos Appellations : la place de l’herbe dans l’alimentation des animaux, les conditions de travail dans les fromageries et dans les fermes, et enfin la vie des fruitières. »

Ces études ont mis en lumière les différentes stratégies entre AOP. « Notre rôle à l’Institut de l’élevage est d’aider à la réflexion. Nous ne participons pas à la décision. » Ce qui ne l’empêche pas de penser que le terroir a une vraie valeur, notamment du point de vue économique. « C’est le terroir qui “fait” la qualité et pas le besoin du client. J’admire aussi la capacité incroyable des fruitières à s’adapter sur le long terme… L’Etat confie la gestion des AOP aux ODG* pour qu’ils puissent continuer à transmettre ce bien collectif d’une génération à l’autre. En ce sens, le Comté n’appartient pas qu’aux gens du Comté, il est “propriété publique” ! »

On l’a compris, l’individualisme n’est pas du goût du chef de projet. « Pour moi, construire des liens est essentiel. Il est essentiel aussi d’être entouré de personnes qui partagent la notion de progrès. »

Demain, d’autres questions lui seront posées sur l’évolution de l’agriculture, des filières AOP… Il cherchera des réponses. Avec patience, respect de ses interlocuteurs, essayant de faire jaillir les solutions, un demi-sourire au coin des yeux qui se marie avec la chaleur de l’accent du sud qui ne l’a jamais quitté. Pierre Parguel est un artisan dont le matériau de prédilection est la pâte humaine. À ses heures perdues, il aime aussi plus prosaïquement travailler le cuir pour la sellerie. « Je suis un “outilleur” ! »

*ODG : organisme de défense et de gestion d’une AOP, qui pour le Comté est le CIGC.

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