Depuis près de 20 ans, la filière Comté a entrepris un travail de caractérisation de ses terroirs. Une thèse, en 1996, a montré, en s’appuyant sur les données de 20 fromageries, qu’il y avait une bonne corrélation entre les goûts des fromages et les lieux de production, caractérisés par leur sol et leur flore propre : d’où cette notion de cru.
Les travaux sur le rôle de la microflore du lait cru et sur les écosystèmes microbiens à la ferme consolident ces résultats. La microflore du sol et la qualité des foins, des regains et des prairies sont des éléments importants du terroir que la vache transporte à la ferme.
Les pratiques de l’agriculteur, les choix faits à la fromagerie, serviront de passerelles aux éléments du terroir, tandis que l’affinage en révélera les arômes. Le facteur “Terroir” est un facteur complexe : l’origine apporte le potentiel, l’homme sert de “passeur” grâce aux différents savoir-faire mis en oeuvre.
Le programme Terroir, une carte d’identité pour les fromageries
Fromage au lait cru fabriqué à partir de ferments indigènes et sans additifs, le Comté est porteur d’un maximum d’informations gustatives apportées par le lait et liées à l’herbe et, de ce fait, au terrain qui la nourrit.
Partant d’une enquête, dite de « mémoire collective » qui a montré que les affineurs étaient capables d’attribuer à certaines zones géographiques telle ou telle typicité de goût des fromages, une démarche de validation scientifique des terroirs à Comté s’est réalisée : le programme terroir en Comté.
Cette démarche exemplaire suit deux voies parallèles :
L’une est confiée à un jury de dégustateurs, «le jury terroir», ayant pour but l’identification des composantes des goûts et des arômes des fromages. Pour chaque fromagerie, une fiche sensorielle ou «palette des arômes» est réalisée.
L’autre voie cartographie le bassin laitier de la fromagerie (périmètre d’herbe servant à l’alimentation des laitières) en intégrant l’aspect fonctionnel du «système sol-roche». La combinaison de trois facteurs intégrant le faciès (sous-sol) de la roche, son degré de fissuration (flux d’eau et de matières) et le volume offert aux racines des plantes se retrouve dans des unités agro-pédologiques (UAP). Des relevés de végétation sur ces unités de sols sont réalisés portant sur la présence et le degré d’abondance des espèces floristiques.
Pour décrire et préserver le(s) goût(s) du(des) terroir(s)
Le goût des fromages.- Pour décrire le goût des fromages, un jury de dégustateurs a été constitué en 1990 et fonctionne toujours. Le jury terroir réunit une douzaine de personnes (professionnels de la filière Comté, cuisiniers, oenophiles, gastronomes, crémiers et techniciens), l’animation étant assurée par Florence Bérodier du CTFC. Le travail de ce jury a permis d’établir la roue des arômes du Comté et les palettes aromatiques spécifiques de nombreuses fromageries (que les lecteurs des Nouvelles du Comté peuvent découvrir à chaque numéro).
Pour préserver le goût du terroir.- Le jury terroir s’est appuyé sur des personnes passionnées pour donner du goût à la carte des fruitières. Il a su mettre des mots sur les sensations et montrer toute la richesse aromatique du Comté. Certains anciens, comme Maurice Bressoux, ont su faire prendre conscience que les fruitières avaient tout à gagner à connaître et reconnaître le goût qui leur était propre ; qu’elles devaient préserver ce qui les lie à leurs villages ; que les producteurs devaient non seulement s’intéresser aux arômes de leurs fromages, mais aussi goûter les fromages des autres pour apprendre à situer leur palette par rapport à celles des autres. Les paysans qui se sont lancés dans cette expérience ont vite compris qu’il fallait s’entendre au sein des coopératives pour en garder un grand nombre et préserver ces crus.
Merci à Jean-François, Roland, Attale, Jeanne, Gaston…, eux-mêmes paysans, dégustateurs depuis longtemps au jury terroir et qui rapportent qu’ailleurs en France, et même à l’étranger, on envie cette capacité à parler des arômes du Comté.
Une expertise recherchée
En juin 2012, sous la houlette du CTFC, les dégustateurs franc-comtois, pour la plupart membres du jury terroir Comté, ont eu à caractériser 12 tommes fermières du Béarn, au lait de vache, de brebis, de chèvre…
Ces fromages sont produits dans la région montagneuse des vallées d’Ossau, d’Aspe et de Barétous qui compte 140 fermes productrices de ces tommes.
Avec l’aspect bien spécifique de ces petites meules (tranche assez haute, présentant des petits trous de moulage), les dégustateurs ont été entraînés vers des produits bien différents des fromages comtois. En effet, la texture, très fine, souple, onctueuse et fondante des tommes mixtes laisse découvrir des arômes agrume et noisette, tandis que les tommes au lait de vache sont les plus timides, avec des notes douces, végétales ou caramel. Les tommes de brebis libèrent l’arôme le plus intense et bien typique tandis que leur texture est un peu plus friable. Dans les tommes de chèvre, les notes fraîches s’associent parfois à des arômes bien fruités. Ces fromages du Sud-Ouest ont apporté un peu d’exotisme dans les yeux, le nez et les papilles des dégustateurs.
Ce travail a été initié par Pauline Barbé, élève en licence professionnelle “Responsable d’atelier en production fromagère de Terroir” à l’ENIL et apprentie technicienne à l’Union des producteurs fermiers à Pau. Pauline mène ce premier travail de caractérisation dans le cadre de son mémoire avec le soutien de son équipe et des producteurs adhérents à la structure.
Une étape dans le respect du terroir : entretenir la machine à traire
Lors de la visite de contrôle du matériel de traite, la chambre d’agriculture intervient sur les aspects mécaniques et le CTFC sur la qualité du nettoyage. Une partie de l’entretien du poste de traite peut être réalisée par le producteur.
Le contrôle mécanique est obligatoire, nécessaire et logique si l’on veut partir sur de bonnes bases. Un matériel mal contrôlé et mal entretenu est source de problèmes. C’est le cas par exemple d’une pompe à vide qui n’a pas le bon débit. « Une pompe à vide changée, ça peut être un quart d’heure de gagné à la traite, moins de soucis de numération cellulaire », rappelle Jean-Marie Ducret, technicien au CTFC. C’est donc au producteur de prendre en compte les relevés du contrôle et d’apporter les solutions avec l’aide de son installateur.
Le contrôle du nettoyage n’est pas obligatoire mais en cas de problème détecté sur les laits, il s’avère nécessaire. De plus en plus de producteurs font appel au contrôle de nettoyage en préventif pour vérifier si leurs pratiques sont adaptées. Des fromageries ont également opté pour un suivi des laits des producteurs (tests de lactofermentation) pour détecter et corriger les éventuels déséquilibres de la flore microbienne du lait. Les producteurs sont fiers de revendiquer leurs efforts dans ce domaine, à l’instar des producteurs de Chapelle d’Huin dans le cadre du programme Floracq (affiche ci-contre).
Le passage de l’eau dans les tuyaux, avec une bonne turbulence et un bon temps de contact, doit apporter une efficacité de nettoyage qui permet de limiter la fréquence d’utilisation des produits de nettoyage à une fois par jour. « Plus on contrôlera la qualité de nettoyage en amont, dans le respect du T.A.C.T.(1), moins on aura besoin d’actions curatives ».
La température de l’eau de lavage est également un point important que le producteur peut mesurer et rectifier assez facilement. Tout comme l’entretien des manchons de traite en caoutchouc, qu’il faut changer une fois par an (si la traite dure plus d’une heure) ou au bout de 2 500 traites (2).
Enfin, l’extérieur du tank à lait doit être correctement nettoyé pour ne pas polluer l’intérieur. L’oeil de l’éleveur est irremplaçable pendant la traite. Rester vigilant et bien observer le comportement des animaux apporte des informations sur la santé de ces derniers (mamelles) et le bon fonctionnement de la machine à traire.
(1) T.A.C.T. : Température, Action mécanique, Concentration de la solution de nettoyage, Temps de nettoyage.
(2) Pour un troupeau de 50 vaches et une salle de traite de 10 postes, 2 500 traites revient à changer ses manchons tous les huit mois.