La fruitière des Majors, à Villers-le-Lac, inaugure la rubrique consacrée au programme terroir. Un programme pour montrer le lien entre sol et plaisir des papilles. A Villers-le-Lac, il a aussi « bien rassuré sur l’AOC ».
L’étude de terroir des Majors a commencé en 1998, et ses conclusions ont été rendues en mai 2004. Entre-temps, la fruitière de Villers-le-Lac s’est agrandie et modernisée. Désormais, les clients voient travailler le fromager et son second depuis la boutique, à travers la vitre, et ils apprécient. Entre-temps, président et fromager ont appris à mieux connaître leur produit et ses spécificités, à faire le lien entre flore et goût du Comté. « Cette étude du terroir a bien rassuré les producteurs sur l’AOC », explique Auguste Germann, président de cette fruitière située à 950 mètres d’altitude, dont toutes les meules d’été sont destinées aux caves du Fort Saint-Antoine de l’affineur Petite.
Sur la carte du bassin laitier des Majors, 23 unités agro-pédologiques (UAP) ont été recensées. La couleur jaune, prépondérante, indique une majorité de sols superficiels et donc un faible enracinement des plantes; des sols peu profonds, très poreux, sur du jurassique supérieur, et du calcaire pur et dur sur du jurassique supérieur. La zone étudiée comporte également un peu de jurassique marneux. La grande majorité des prairies de la coopérative (Les Côtes, Chaillexon, les Taillards et le Pissoux) sont sur le versant est du coteau du val de Morteau. Un versant bien ensoleillé, davantage que le versant ouest, où se trouvent les villages de Chauffaud et du Barboux, dont le lait servait auparavant aux premières tournées. « Les pâtes étaient différentes, elles avaient plus d’amertume », se souvient Daniel Brenet, le fromager. « Maintenant, les laits sont mélangés ».
« Sur les sols jurassiques supérieurs, on trouve souvent des goûts fruités, et non torréfiés », indique Florence Bérodier, ingénieur qualité au CTC et spécialisée dans l’évaluation sensorielle (1). « Le sol influence la flore. Ici, on rencontre pas mal de légumineuses, des fabacées comme le trèfle rampant ou violet, la vesse en grappe ou la vesse des haies. Dans les graminées, le vulpin-des-prés est typique du lieu. Il y a aussi un peu de fléole-des-prés, de fétuque, de fromental élevé, et un tout petit peu d’avoine jaunâtre. Dans les fourragères, le cumin-des-prés et le cerfeuil-des-prés peuvent jouer dans la persistance aromatique. »
Le climat, rude mais à la pluviométrie raisonnable (1 480 mm), le reverdissement tardif mais de qualité, l’altitude (de 760 à 1 080 mètres), la variété de flore selon la période, la précocité des fenaisons, le fourrage ramassé en vrac : Tout cela joue également sur le goût du Comté, tout autant que les savoir-faire du fromager et de l’affineur.
Le jury terroir invité à décrire celui des Majors sur 17 fromages fabriqués entre 1991 et 2002 a découvert une pâte avant tout fruitée, rappelant le jus d’agrume et en particulier l’orange, avec en toile de fond du torréfié doux évoquant le caramel mou. La palette aromatique comporte également des graines comme la noix de cajou, mais également la brioche, le yaourt nature, le miel toutes fleurs, le bouillon de légumes. Florence Bérodier, qui refait l’expérience, confirme : « L’agrume, il n’y a aucun doute là-dessus. Il y a aussi un côté miel, et là, un petit côté caramel mou et beurre fondu. C’est un vrai fromage dessert, qui s’accorderait mieux à un Chardonnay bien épanoui plutôt qu’à un Vin Jaune », affirme la spécialiste.
(1) L’étude terroir est initiée par le CIGC et mise en oeuvre également par Florence Compagnon et Jean-Claude Monnet.
Les Majors en bref…
18 sociétaires
2,7 millions de litres de lait
Président : Auguste Germann
Fromager : Daniel Brenet
Affineur : Petite
La fruitière a été modernisée en 2004. Les nouvelles installations ont été inaugurées au cours de l’automne 2005.