La lecture de paysage, dont il est question ici, nous entraîne dans le Jura, sur le terroir de la fruitière d’Oussières. Une large plaine alluviale que nous détaille Pascal Berion.
La fruitière d’Oussières est localisée dans le Jura. Elle transforme annuellement presque trois millions de litres de lait et met en commun la production laitière de treize élevages (cinq GAEC, sept EARL et une exploitation individuelle) localisés à Oussières et dans les communes limitrophes que sont Villers-les-Bois, Colonne et Bersaillin (Le Bouchaud), ou proches, Tassenières et Bans. Cette fruitière est implantée en plaine. Les altitudes sont comprises entre 200 et 250 mètres. Le relief est dans l’ensemble plat mais présente un léger modelé construit par les divagations successives de l’Orain.
Cette rivière est un affluent du Doubs. Elle prend sa source à Poligny au pied du puissant escarpement du vignoble, à quelques dizaines de mètres des caves d’affinage à Comté de la maison Brun, et prend la direction du Nord-Ouest pour rejoindre sa confluence à Longwy-sur-le-Doubs. Disposant d’un faible dénivelé jusqu’à son exutoire, elle n’a pas creusé une vallée profonde mais s’est aménagée une large plaine alluviale remplie par des sédiments récents. Elle est bordée par des terrasses composées d’argiles, de marnes et de sables issus de l’érosion de la bordure occidentale du massif du Jura. Lors de sa constitution, le massif du Jura a glissé en direction du Nord-Ouest sous les jeux complexes des collisions tectoniques qui ont donné naissance aux Alpes et aux massifs montagneux qui y sont associés.
Ce faisant, il a recouvert et chevauché le fossé bressan dans une partie du vignoble (de Salins-les-Bains et Lons-le-Saunier) et le Revermont (de Lons-le-Saunier à Ambérieu-en-Bugey). Ainsi, le terroir de la fruitière d’Oussières se déploie sur la limite géologique du massif du Jura, là où il rencontre les plaines de la Saône.
Des prairies naturelles en plaine alluviale
Le système de production agricole qui met en valeur le finage d’Oussières et de ses environs est la polyculture élevage. Les agriculteurs produisent, en complément de leur élevage, des céréales (orge, blé, maïs) et des oléagineux (colza et soja) destinés à la vente ou à l’autoconsommation par le bétail. Ce territoire présente une réelle capacité à fournir une alimentation complète et autonome pour les troupeaux.
Cependant, contrairement aux apparences, faire du foin demande ici beaucoup d’habileté car en mai, lorsque l’herbe est à son stade optimum pour être récoltée, les périodes de beau temps sont courtes et aléatoires. Mais au climat s’ajoute une autre contrainte, l’humidité des sols. Une grande partie des prairies naturelles est localisée dans la plaine alluviale de l’Orain. Leur ressuyage est lent ce qui ne facilite pas la tâche pour les récoltes, mais concourt à l’existence d’un cortège floristique singulier associé à une faune ornithologique rare et propre aux milieux humides.
L’impact de l’autoroute
Le secteur a été marqué à la fin des années quatre-vingt-dix par la construction de l’autoroute A39. Celle-ci a occasionné une destruction significative de terres agricoles et a suspendu la modernisation des exploitations pendant près de dix ans, jusqu’à l’achèvement des travaux de remembrement destinés à limiter les contraintes causées à l’agriculture par cette grande infrastructure de transport. Quinze années après les faits, il est heureux de constater que l’agriculture de la vallée de l’Orain a su s’adapter et s’est confortée dans la filière Comté.
Des villages en terrasse
Le paysage de la vallée de l’Orain est composé de champs ouverts. Les terrains bordant la rivière sont principalement occupés par des prairies (certes quelques cultures sont présentes sur des parcelles équipées de drains souterrains). Les villages sont établis sur les terrasses qui bordent la plaine, implantation qui les met à l’abri des inondations. Les prairies temporaires et les cultures occupent les parties les plus élevées du finage, là où le ressuyage gravitaire des sols et leur constitution pédologique sont plus propices aux labours.
L’habitat rural a tendance à s’organiser sous la forme de hameaux sans pour autant montrer une dispersion comme cela est le cas quelques kilomètres plus à l’ouest dans la Bresse. Il s’agit de villages rues qui s’étirent parallèlement à l’axe de la vallée. Ici, nous sommes pleinement dans une zone de transition et cela se révèle par les formes et les matériaux de l’habitat traditionnel. La pierre est largement utilisée mais quelques influences bressannes se lisent déjà (corps de ferme bas et allongé construit en bois et torchis avec un toit à 4 pans).
L’attachement à la filière Comté des producteurs de la vallée de l’Orain est très perceptible. Ils constituent des éleveurs réputés pour leurs montbéliardes et ont su s’équiper et moderniser les exploitations sans renier le cahier des charges de l’AOP Comté.