Lecture de paysage : La Ferté, un paysage typique du bas Jura et un système de polyculture – élevage
Par Pascal Bérion
Maître de conférences en Aménagement de l’espace et urbanisme
Université de Franche-Comté / Laboratoire ThéMA UMR CNRS 6049
Le terroir de la fruitière de la Ferté correspond aux finages qui occupent la vallée de la Cuisance entre le vignoble du Jura et le Val d’Amour. Il est organisé par une douzaine de fermes qui pratiquent la polyculture-élevage dans les villages de Molamboz, La Ferté, Vaudrey, Mont-sous-Vaudrey, Nevy-les-Dole et de façon plus excentrée Tourmont.
La Cuisance est une rivière qui prend ses sources dans la reculée des Planches-près-Arbois et s’écoule d’est en ouest pour confluer avec la Loue. Ses eaux sont formées par deux résurgences karstiques qui transportent les eaux pluviales infiltrées dans les diaclases et dolines du premier plateau du Jura que la reculée des Planches entaille sur plusieurs kilomètres. Elle irrigue Arbois et passe au pied de son vignoble puis elle s’étire paresseusement jusqu’à sa confluence.
Si l’on considère la géomorphologie, le terroir de la fruitière de la Ferté se localise à l’extrémité nord du fossé bressan. D’ailleurs, les collines situées à hauteur de Molamboz matérialisent la limite du chevauchement du Jura sur la Bresse. Ce fossé s’est tout d’abord rempli de cailloutis dits de la forêt de Chaux qui ont ensuite été recouverts par des argiles et des sables. Enfin, la Cuisance, au fil de son histoire et de ses crues, a transporté des graviers qui forment une étroite plaine alluviale dont la largeur n’excède jamais 1,5 km et dont les altitudes se situent autour de 220 mètres.
Sa rive nord est séparée de vallée de la Loue et du Val d’Amour par le massif forestier de l’Argançon. Sa rive sud voit se développer une autre forêt, le Bois de Choisseul qui l’isole de la vallée de l’Orain. Ces espaces boisés sont développés sur des sols ingrats occupés par les argiles dit d’Oussières.
Bien qu’il appartienne géologiquement à la Bresse, le paysage du terroir de la Ferté est typique du bas Jura et subit les influences des entités voisines du vignoble et du val d’Amour. Ainsi, l’habitat est groupé et forme un village rue, les champs sont ouverts et s’organisent en openfield (jadis en lanières, aujourd’hui en mosaïque), les haies n’ont jamais existé mais une ripisylve arborée entoure les rives de la Cuisance et forme un écran arboré bien visible dans cet espace aux altitudes et modelés peu prononcés. L’habitat rural traditionnel se compose de fermes dites blocs à trois travées (logis, grange et étable) construites en pierre, disposées bien souvent perpendiculairement à la voie principale et dotées de toits soit à quatre pans, soit en pans coupés sur les pignons.
Les exploitations agricoles sociétaires de la fruitière de La Ferté ont pour particularité de pratiquer la polyculture-élevage. Elles conduisent un troupeau de vaches laitières et produisent des céréales et des oléagineux destinés à la vente et à l’autoconsommation par le bétail. Trois types de sols, aux potentiels agricoles différents, sont rencontrés :
en bordure immédiate de la Cuisance, là où son lit déborde en période de hautes eaux, les terres sont principalement utilisées en prairies permanentes. Parfois, le drainage agricole permet d’y installer des cultures et des prairies temporaires ;
dans la plaine alluviale, en retrait de la rivière, les terres sont presque exclusivement dédiées aux labours. Les cultures sont variées. On trouve ainsi de l’orge d’hiver, du blé, du maïs grain, du soja, du colza et des prairies temporaires à base de légumineuses ;
au sud de La Ferté, de part et d’autre du bief Magnin (au tracé perpendiculaire à la Cuisance), les sols sont formés sur des argiles à silex. Dans la douce dépression creusée par le ruisseau, les prairies dominent en raison de l’humidité des sols. Sur les parties supérieures, les cultures prennent de nouveau l’ascendant sur les herbages.
S’inscrivant dans un paysage de plaine, le terroir de la fruitière de la Ferté illustre cette diversité des contextes géographiques qui composent l’aire de l’AOP Comté. Ici, en zone basse, les éleveurs sont aussi cultivateurs. Le climat et les sols se prêtent aux cultures. Si une part dominante des graines récoltées est vendue, le solde sert à nourrir le bétail, fournit de la paille pour les litières et permet d’implanter des prairies temporaires. Ce terroir possède un grand potentiel pour assurer une alimentation autosuffisante et autonome des exploitations.