Lecture du paysage du terroir de la fruitière du Mont Orgier, à Orgelet
La fruitière du Mont Orgier est localisée sur la commune d’Orgelet dans le Jura. Un paysage de moyenne montagne que décrypte Pascal BERION, Maître de conférences en Aménagement de l’espace et urbanisme à l’université de Franche-Comté.
Le terroir de la fruitière d’Orgelet – Mont Orgier s’inscrit dans la partie méridionale du massif du Jura que l’on appelle la Petite-Montagne. Cet ensemble est situé entre l’escarpement du Revermont, la vallée de l’Ain et la “région” dite des lacs. La Petite Montagne s’organise autour de la succession d’une série de chaînons montagneux culminant entre 600 et 700 mètres et séparés par des vallées dont les altitudes se situent plus ou moins aux alentours de 500 mètres. Le relief qui supporte les actuels paysages du terroir de la fruitière du Mont Orgier est construit par deux processus géologiques :
Le premier est lié au chevauchement du fossé bressan par la bordure occidentale du massif du Jura. En raison de l’orogenèse alpine, le massif du Jura s’est déplacé vers l’ouest sur plusieurs kilomètres. Sous l’effet de la pression tectonique, les couches calcaires se sont déformées en se plissant. Les sommets sont composés de roches dures et les versants et fonds de vallées de marnes souvent recouvertes des dépôts sédimentaires variés.
Le second correspond à des dépôts d’origine glaciaire. Orgelet est situé sur un ancien front de moraine* et était l’un des exutoires de la calotte glacière qui recouvrait le Jura il y a 20 000 ans. La moraine d’Orgelet retenait les eaux de fonte du glacier et a permis la formation du lac temporaire de la Thoreigne qui s’est rempli d’importants sédiments et a donné naissance à une vaste plaine dotée aujourd’hui de sols profonds et riches pour l’agriculture.
Les villages en « a »
L’occupation de cet espace par l’homme est fort ancienne. La toponymie locale abonde de dénominations portant les suffixes “ia” ou “as” (Chambéria, Chaveria, Merona, Savigna, Sarrogna, Arthenas…) qui témoignent d’une occupation celtique et surtout d’une mise en valeur par des domaines agricoles à l’époque gallo-romaine. Cependant, la Petite Montagne, sauf pour sa partie occupée par la plaine de la Thoreigne, dispose d’un potentiel agricole limité par la vigueur du relief. Les dépressions sont certes dotées de sols profonds, humides et fertiles, mais elles sont étroites. Les versants sont donc occupés par des forêts de feuillus et autrefois des parcours existaient dans la partie basse des pentes. Ce potentiel agricole limité a favorisé la constitution de petites communautés villageoises.
Les communes sont généralement dotées de plusieurs hameaux d’habitat groupé autour d’un point d’eau. Sur le plan architectural, l’habitat typique est constitué de fermes dites en bandes et de polyculture. Les constructions sont mitoyennes, se localisent en bordure immédiate de la route et se composent de deux ou de trois travées (étable, grange et logis). Les dimensions modestes des fermes d’autrefois montrent que les exploitations étaient de petite taille.
L’exode rural a engendré l’agrandissement des fermes et la mécanisation des travaux a induit l’abandon progressif des parcours situés sur les pentes car ils donnaient peu de ressources fourragères au bétail et leur entretien ne pouvait être que manuel. Ainsi, une fermeture des paysages s’est opérée dans ce secteur mais les parties planes en ont été épargnées.
Un renouveau et une bonne autonomie
Aujourd’hui, les fermes de fruitière du Mont Orgier sont installées principalement aux abords immédiats des hameaux. Elles profitent ainsi d’un accès commode aux viabilités dont elles ont besoin (eau potable et électricité). Le déclin démographique de la Petite Montagne semble maintenant enrayé, comme en témoigne l’état de restauration de l’habitat ancien. Les exploitations agricoles ont réussi à se restructurer et à se renouveler. La bonne santé de la filière Comté soutient leur développement et leur modernisation. La fonction de bourg-centre d’Orgelet apporte au territoire les services de proximité indispensables aux populations qui y vivent.
Les finages sont composés de champs ouverts, ils donnent à voir un paysage dit d’openfield. Généralement, les parcelles du terroir de la fruitière du Mont Orgier comportent peu de haies ou de bosquets car elles se déploient sur des secteurs aux sols profonds et dépourvus de pierres. Cependant, par endroits, comme aux alentours de Dompierre-sur-Mont, les affleurements rocheux ont favorisé la mise en place de haies à base de frênes et d’arbustes aux limites des parcelles, là où les agriculteurs déposaient les pierres relevées par les labours.
Compte tenu de l’altitude et du potentiel agronomique des sols, le terroir de cette fruitière se prête à la polyculture. Les éleveurs produisent avant tout de l’herbe et des fourrages mais ils cultivent aussi des céréales généralement destinées à la fabrication d’un aliment complémentaire pour nourrir vaches et génisses. Cela leur assure une bonne autonomie, procure de la paille pour les litières, permet de renouveler les prairies et de soutenir ainsi une bonne qualité et productivité des prés de fauche.
*Moraine : amas de blocs et de débris rocheux transportés ou déposés par un glacier.