L’influence des caractéristiques du sol dans la composition de la flore botanique des prairies de fauche de l’AOC Comté ont fait l’objet d’une étude dont les résultats vont être publiés au cours de l’année 2009.
En 1996, une collaboration exemplaire entre l’Université de Besançon et le CIGC donnait lieu à la publication d’une thèse qui eut de grands retentissements médiatiques car pour la première fois, on démontrait avec l’exemple du Comté, l’influence du terroir sur l’expression aromatique d’un fromage.
Ensuite, pendant une dizaine d’années, le partenariat avec le laboratoire Chronoenvironnement du CNRS et de l’Université de Besançon s’est poursuivi, permettant la caractérisation du terroir de nombreuses fromageries et notamment la composition floristique de plus de 1 000 prairies. D’un commun accord avec Pierre-Marie Badot, responsable de cette unité, il a été convenu de valoriser ce précieux capital par une étude des facteurs influençant cette diversité floristique, en s’intéressant en particulier au sol. Ces travaux ont été réalisés par Jean-Claude Monnet du CIGC.
Des facteurs naturels ou humains
Outre les caractéristiques des terres, interviennent de nombreux autres facteurs, naturels ou humains, dans le déterminisme floristique de la prairie. La flore botanique est en effet très sensible aux conditions climatiques, variables selon les secteurs géographiques et dont les changements peuvent être aussi brutaux qu’imprévisibles d’une année sur l’autre. Elle est également sensible aux perturbations d’ordre biologique comme par exemple les pullulations de campagnols ou encore une prolifération de rumex, qui « étouffent » la prairie. Le producteur de lait à Comté régule aussi la flore, de manière directe, en retournant ou en perturbant l’équilibre superficiel de la prairie (semis ou sur semis), ou de manière indirecte par des fumures et des amendements déséquilibrés qui simplifient petit à petit la biodiversité végétale.
Le premier objectif des recherches a donc été de quantifier l’impact global de ces facteurs dans la discrimination de la flore botanique des prairies. À cet effet, nous nous sommes appuyés sur le caractère bio-indicateur des espèces botaniques, concernant la qualité du sol (pH, réserve en eau, teneur en nutriments) et son environnement climatique (quantité de lumières, température et précipitations).
Ces caractéristiques ont été déterminées, espèce par espèce, de manière scientifique pour l’Europe occidentale par différents chercheurs, suisses en particulier. Pour cette étude, 1 280 relevés botaniques en prairies ont été effectués avant la première coupe (foins), entre 1993 et 2006, sur 62 fruitières à Comté réparties sur la zone AOC.
Six groupes de prairies
Sur un panel de 1 057 prairies échantillonnées, une analyse multivariée complexe, croisant la flore des prairies avec ses préférences écologiques (sol, climat), permet de les organiser en 6 groupes prairiaux principaux, tout à la fois caractéristiques et bien différenciés les uns par rapport aux autres au point de vue botanique et édaphique (rapport sol/plante). Chacun de ces groupes de prairies correspond en effet à un grand type de sol : prairies sur sols d’affleurements rocheux (communaux), prairies sur sols superficiels, prairies sur sols profonds de basse altitude, prairies sur sols profonds de haute altitude, prairies sur sols faiblement humides et prairies sur sols fortement humides.
Le facteur du milieu naturel prépondérant dans l’orientation de la composition floristique des prairies s’avère ainsi lié à la richesse des terres. Les terres riches en éléments nutritifs présentent une faible diversité floristique. à contrario, les prairies soumises à de fortes contraintes nutritives sont riches en flore.
La contribution des éleveurs
La pertinence de la qualité du sol dans la discrimination de la flore des prairies reste toutefois à préciser, car elle est plus ou moins modulée par le climat et les pratiques agricoles selon les groupes.
Dans l’élaboration d’une typologie des prairies de fauche de l’AOC Comté, les recherches entreprises viseront ensuite à hiérarchiser et quantifier l’impact de ces facteurs secondaires (climat, gestion agropastorale) dans l’orientation de la flore des prairies et la réponse des espèces prairiales. Comme ce fut le cas en 1996, ces recherches vont faire l’objet de publications scientifiques, qui seront aussi complétées par des ouvrages de vulgarisation, sans oublier leur restitution aux éleveurs qui y puiseront sans doute des éléments de fierté sur la contribution qu’ils apportent à la spécificité organoleptique du Comté et des enseignements sur les pratiques qui lui sont favorables.