Le Comté, fromage traditionnel par excellence, a-t-il vocation à mobiliser d’importants moyens de recherche ?
Intuitivement la réponse serait plutôt négative. En effet, si chacun pressent que le Comté, comme tout produit traditionnel, doit faire appel à la recherche pour améliorer sa qualité, ce qui fut fait de manière importante pendant les années 80 et 90, pour le reste le doute pourrait être permis quant à la nécessité pour un produit AOC qui se doit de respecter les « usages locaux, loyaux et constants » d’être à la pointe de la recherche et de l’innovation.
La réunion qui s’est tenue à Poligny le 9 avril dernier a pourtant apporté un démenti à cette intuition. En effet, pas moins de 60 chercheurs et professionnels de la filière se sont réunis pour discuter des recherches touchant le Comté, soit d’achèvement récent, soit en cours ou même simplement envisagées. La réunion fut dense puisque l’objet de 22 communications scientifiques.
Ainsi que l’a affirmé le Président du CIGC, Claude Vermot-Desroches, dans son mot d’accueil : « En tant que produit lié à son terroir, élaboré à partir d’une matière première dont la variabilité quotidienne est voulue par son pari de l’authenticité, le Comté a besoin plus que tout autre de la science ».
Cet appel à la science est corroboré par le budget de recherche, plus de 300 000 €, que le CIGC consacre chaque année à ce qu’il considère comme la préparation de l’avenir de la filière Comté.
Mais les participants à cette réunion l’ont bien senti, au-delà des investissements financiers, ce qui est le plus important c’est la mobilisation des chercheurs. Et les professionnels de la filière Comté ont pu apprécier l’excellente collaboration entre chercheurs de tout horizon : ceux de la filière bien sûr et de son environnement scientifique proche (CTFC, INRA, ISBA, ACTILAIT), mais aussi ceux des chercheurs de l’Université de Franche Comté, et même quelques partenariats hors région.
Modernité du Comté
Les recherches présentées et discutées ont traité de l’amélioration de la qualité, de la maîtrise de la spécificité, et des réponses aux nombreuses attentes sociétales dans les domaines de la traçabilité, de la santé, de l’environnement ou de la nutrition.
C’est en effet la manière pour le Comté d’être moderne : adopter la recherche la plus pointue, pour la mettre au service du consommateur, et pour que le Comté reste lui-même, c’est-à-dire un produit authentique lié à son terroir.
C’est ainsi que pour reconnaître des intrus dans la production de râpé, un partenariat a été engagé avec l’Université de Marseille autour de la RMN (Résonance Magnétique Nucléaire).
L’Université de Besançon, elle, a pu présenter deux travaux :
– D’une part une thèse sur le transfert des métaux lourds et des radionucléides du sol à la plante, puis au lait et au fromage, dans le cadre d’un partenariat engagé de longue date avec le CIGC.
– D’autre part un travail sur les effets positifs pour la santé de la consommation de fromages au lait cru.
Les problématiques strictement professionnelles furent bien prises en compte dans les communications : c’est ainsi que le Centre Technique des Fromages Comtois (CTFC) a pu montrer toutes les potentialités d’un test global d’appréciation du potentiel qualitatif d’un lait, tel que celui de la lactofermentation.
L’INRA et ACTILAIT ont présenté de nombreuses recherches tournées vers l’amélioration qualitative : l’amélioration des coagulants, la maîtrise des ambiances de microorganismes dans les fermes et dans les fromageries, etc.
Attentes sociétales
Néanmoins, les communications dans leur majorité furent tournées vers les attentes sociétales. La présentation par M. Brondel, du Centre Européen des Sciences du Goût, fut d’ailleurs particulièrement appréciée, puisqu’elle a porté sur la capacité plus importante des produits avec goût a installer plus rapidement le RSS (Rassasiement Sensoriel Spécifique).
Si cette notion de RSS n’est pas à la portée de tous, l’on a cependant collectivement pressenti que consommer des produits de qualité était l’un des moyens de calmer sa faim (de goût) plus rapidement et donc de consommer plus modérément. Une belle ouverture vers l’approfondissement du paradoxe français…
La conclusion de cette journée très dense fut de se retrouver dans un an, avec l’idée de se focaliser sur un nombre plus restreint de recherches et laisser plus de temps à la discussion entre professionnels du Comté et chercheurs tout aussi passionnés et attachés aux valeurs de solidarité de la filière Comté.
En effet, il plait à ces derniers de s’investir auprès d’une filière où le progrès bénéficie à tous, où le collectif l’emporte sur l’individualisme. Le Président Vermot-Desroches su d’ailleurs en remercier les chercheurs très sincèrement au nom de toute la filière Comté.