Le Comté, créateurs de valeurs partagées

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Le Comté, c’est une identité à préserver dans les dix années à venir pour conduire la bonne vision stratégique dans un monde qui change. Une identité, mais laquelle ? Nous avons choisi quatre mots-clés pour définir le Comté, en tant que créateur de valeurs partagées.

Depuis des siècles, le Comté a bénéficié aux acteurs de la filière, a fait plaisir aux consommateurs et a contribué à l’aménagement du territoire. Cette valeur partagée, à la fois sociale, économique et environnementale, est le socle de la filière que nous devons consolider en réaffirmant l’identité du Comté. Façonnée par nos pères et leurs pères avant eux, cette identité ne doit pas être ébranlée par des germes d’une dérive : l’agrandissement des fermes, les ateliers de plus en plus conséquents et faibles par leur nombre, l’automatisation des tâches liées à un savoir-faire essentiel, etc. Soyons clairs : se regarder le nombril ne suffit pas, il faut considérer le Comté dans son environnement global, en lien avec les attentes des consommateurs et les valeurs d’avenir.

DIVERSITÉ

Dans le Comté, la diversité est partout. Diversité d’âges, de textures, de couleurs, d’arômes et de goûts dans les Comté eux-mêmes. Diversité des usages chez le consommateur : au petit-déjeuner, en apéritif, en gratin ou au goûter ? Avec un grand vin ou une tartine de confiture ? Ça, c’est pour le produit. Mais la diversité se retrouve aussi au sein du processus de fabrication, entre les multiples acteurs des trois maillons complémentaires (producteurs, fromageries, affineurs) d’une même aventure humaine. Diversité de modèles qu’il s’agisse des fermes, des fruitières ou des choix stratégiques des entreprises, diversité des visions, diversité de pensée. Voilà qui forme la grande famille du Comté et qui fait de ce fromage tout sauf un produit industriel. Cette diversité, c’est bien entendu la richesse du Comté. Pas toujours facile, mais si importante à préserver… à travers le maintien du nombre de fermes et d’ateliers.

« Comme dans le vin, il n’y a pas un Comté, mais des Comté. »

• Dominique Roy, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Doubs et Président délégué du Ceser Bourgogne-Franche-Comté (conseil économique, social et environnemental régional).- « La filière a su faire évoluer la qualité de son produit tout en préservant sa diversité. Comme les vins, il n’y a pas un Comté, mais des Comté. J’aime d’ailleurs associer les deux ! Nous prévoyons avec des amis un repas uniquement composé de fromages les accordant avec des vins de plusieurs régions. Mais nous pourrions choisir uniquement des Comté et goûter quel vin s’associe le mieux avec tel ou tel Comté ! Ce fromage est unique au sens inimitable, mais très divers dans ses goûts : je peux aussi bien en manger le matin au petit-déjeuner avec le café (certains Comté présentent d’ailleurs des arômes torréfiés) qu’avec un verre de vin en apéritif entre amis le week-end. Et surtout, à chaque repas : même s’il n’est pas seul sur le plateau, il est incontournable ! Mon œil de chef d’entreprise est attiré par le fait que ce produit unique réunit au moins trois niveaux de savoir-faire très différents, qui se partagent la valeur. Divers, mais solidaires ! Le modèle économique du Comté me semble intéressant à dupliquer, pourquoi pas, sur d’autres secteurs d’activités. »

INIMITABLE

Le lait cru donne au Comté une complexité inimitable, qu’aucun adjuvant ou exhausteur ne pourra jamais remplacer. Cette microflore du lait cru si précieuse et si fragile est issue de la prairie, du terroir de nos prés et induit des exigences spécifiques liées au territoire. Le mode de production à l’herbe nous pousse à être au plus proche de la nature dans un lieu donné, non délocalisable. C’est notre contrainte et notre immense chance. Le Comté est inimitable sur le plan du goût autant que dans l’organisation culturelle de coopération entre les trois maillons. Les prairies et le pâturage sont un socle indéfectible de l’identité du Comté.

« Pour rester dans la qualité, il faut rester dans le collectif »

• Christy Shields, Anthropologue spécialiste de l’alimentation et du goût.- « Quand mes étudiants voient les vaches dans les prés, ils sont séduits par le fromage qu’ils ont en bouche. De la même façon, quand les Amis du Comté ou le GAG (Groupuscule d’action gustative) réalisent des dégustations guidées, les gens sentent dans leurs corps la différence du Comté. Pour faire connaître aux consommateurs cette différence, il faut pratiquer le markéthique, c’est-à-dire rester fidèles à qui on est d’abord et communiquer dessus ensuite. Le Comté n’est pas seulement un produit, c’est un modèle. Sa qualité est due à une double notion d’ancrage : d’une part dans le territoire, le sol, et d’autre part chez des producteurs propriétaires de leurs fromages, eux-mêmes ancrés dans un collectif, la coopérative. Si le Comté est inimitable, il ne doit pas, pour autant, devenir un produit de luxe. Son modèle de production démocratique doit s’accorder avec un type de consommation qui l’est aussi. Je sais que dans le monde actuel, industriel, homogène, standardisé, le consommateur est tenté de réduire le produit à son prix, parfois au détriment de la qualité. Mais le Comté reste abordable justement par sa diversité. »

SAVOIR-FAIRE

Le lait cru, toujours lui, demande un savoir-faire technique particulier de la part de l’éleveur, dont la présence et les gestes manuels sont indispensables pour relever les premiers signaux d’alerte et gérer les risques pendant la traite. Le fromager à son tour doit mettre la main dans la cuve pour sentir le bon moment du décaillage et du soutirage. L’affineur enfin, le chef de cave, devra écouter attentivement ses meules pour les mener à leur optimum à l’heure de la mise en marché. Sentir, écouter, toucher … Les savoir-faire essentiels et ancestraux que sont la traite, le décaillage et le tri des fromages, ne s’automatisent pas. Ces tâches doivent être préservées et se transmettre de générations en générations pour que l’homme continue d’apporter sa valeur ajoutée.

« En lunetterie, le savoir-faire est au service du confort et du plaisir. »

• Valérie Prillard, Prototypiste Meilleur Ouvrier de France chez Morel Lunettes à Morbier.- « Le lien entre le Comté et les lunettes ? Les savoir-faire ! Chez Morel Lunettes, le savoir-faire se transmet de génération en génération depuis 1880. Le savoir-faire lunetier est un héritage précieux comme l’est sans doute l’héritage des gestes ancestraux du Comté. Le rôle du prototypiste est primordial dans la réalisation d’une lunette. C’est un travail d’équipe avec les designers et le bureau d’études. Tous les projets passent par l’étape prototype. Je dois m’assurer de la faisabilité de chaque projet des designers, des matériaux à utiliser, des techniques de fabrication à employer. Le prototype est essentiel pour s’assurer du confort et de la qualité d’une lunette, c’est la clé du succès. La lunette est un accessoire de mode, je travaille sur les matériaux, les formes, les couleurs en collaboration avec les designers, pour que l’achat lunette devienne plaisir. Plaisir de porter une belle lunette en accord avec sa personnalité, son style de vie, ses envies… »

PLAISIR

« Avec le Comté, on partage du plaisir tout le temps. »

Tout de même, c’est à lui que l’on doit penser en premier s’agissant du Comté. Plaisir de recevoir, joie de donner ! Les émotions que procure le Comté en bouche sont aussi liées à l’image du produit. Croquer du Comté, c’est sans doute aussi mordre à pleines dents dans les paysages du massif jurassien, sous l’oeil de paysans solidaires ! L’image d’Epinal n’est pas juste un atout marketing dans le Comté, c’est notre vérité ! Ce superbe territoire, très naturel, encore très préservé, a besoin d’être choyé. Cultivons notre jardin, mais surtout notre biodiversité directement liée à notre qualité de vie.

« Avec le Comté, on partage du plaisir tout le temps. »

• Romuald Fassenet, Chef étoilé du Château du Mont-Joly (Sampans) et Meilleur Ouvrier de France.- « La notion de plaisir est primordiale dans nos métiers et le plaisir en cuisine, c’est du partage ! Avec le Comté, on partage tout le temps. Un morceau de Comté avec un verre de vin entre amis, c’est une belle notion de plaisir ! Mais on peut aussi réaliser une recette au Comté avec beaucoup de préparation, pour faire plaisir et se faire plaisir. En cuisine, j’utilise deux à trois Comté différents par leurs affi nages, leurs provenances et leurs saisons. Grâce à cette diversité, on peut prendre plaisir avec le Comté à tout moment et satisfaire tous les goûts ! En mars, j’ai cuisiné des oeufs mollets avec une mousse de lait parfumée au Comté et râpé de truffe. Pour ce plat, j’ai utilisé deux tiers de Comté 24 mois, pour la puissance et l’arôme, et un tiers de Comté 12 mois pour la tenue et le gras. Au printemps, j’inverse ! Je remplace l’oeuf par l’asperge verte et j’utilise deux tiers de Comté 8 mois de printemps et un tiers de Comté 16 mois de printemps pour l’accorder au végétal de l’asperge. Il y a mille et une façons de faire plaisir avec le Comté ! »

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