Lavans-Vuillafans, un secteur de production de Comté dynamique

Photo Loris Faé
Photo Loris Faé

Lavans-Vuillafans et sa fruitière à Comté se localisent sur la partie des premiers plateaux du massif du Jura que l’on appelle la surface d’Ornans et Vercel. Ici, l’usage veut que l’on adopte une dénomination plus précise pour parler du plateau de la Barêche. Cet ensemble est singulier par le fait qu’il a formé au cours de son histoire une communauté de villages ayant édifié des espaces communs symboliques au point de contact de leur territoire paroissial puis communal (après la Révolution française). Ainsi, les villages de Lavans-Vuillafans, Durnes, Echevannes et Voires disposent d’une église, d’un cimetière et d’un monument aux morts communs, au centre du plateau, au hameau de la Barêche.

Photo Loris Fae

L’organisation de fruitières est attestée dès le début de XIXème siècle. Il est possible que leur présence soit plus ancienne, mais le modèle des fruitières s’est véritablement diffusé dans cette partie du Doubs dès la seconde moitié du XVIIIème siècle et connait sa véritable expansion au XIXème. Ainsi en 1851, chaque village de la Barêche possède au moins une fruitière, Lavans-Vuillafans en compte deux. Au total, les villages du plateau disposent de cinq fruitières ayant produit cette année-là 26 tonnes d’un fromage de type gruyère vendues au prix moyen de 90 centimes le kg. Il est dénombré un total de 350 vaches. Les temps sont prospères, mais le libre échange mis en œuvre par Napoléon III en 1860 provoque une crise terrible. Ainsi en 1866, les villages de la Barêche ne comptent plus qu’une fromagerie (à Durnes) ayant produit 10 tonnes de gruyère vendu à 60 centimes le kg et il ne reste que 70 vaches ! A cette date, l’ensemble du système fromager du massif du Jura se trouve ruiné sous l’effet de l’importation de fromages suisses plus qualitatifs et plus compétitifs. Heureusement, la fin du libre-échange adoptée par la Troisième République en 1870 permet une reprise des activités et inaugure un nouveau mode d’organisation, celui du chalet fruitière au grand carnet, c’est-à-dire l’arrivée dans le temps des fromageries modernes en lieu et place de l’antique système itinérant du tour et avec une vente collective des fromages aux négociants affineurs. La reprise est toutefois longue et laborieuse. En 1929, l’enquête de l’Ingénieur Garapon recense une seule fruitière sur la Barêche, à Lavans-Vuillafans. Elle dispose de 500 000 litres de lait transformés en fromages que l’auteur dit « élaborés façon gruyère ».

Depuis, la fruitière de Lavans-Vuillans a bien prospéré. Elle occupe toujours les mêmes locaux qu’en 1929 mais ceux-ci ont été progressivement équipés, modernisés et agrandis. La dernière opération d’envergure remonte à 2017 où l’ensemble des matériels a été mis à neuf dans le cadre d’une extension des locaux. La fruitière actuelle dispose de 5 millions de litres de lait annuels livré par 14 exploitations sociétaires localisées à Lavans-Vuillafans (5), Echavanne (2), Ornans (2), Hautepierre-le-Châtelet (3), Athose (1) et Aubonne (1).

Le terroir des producteurs de la fruitière de Lavans-Vuillafans peut être considéré autour de trois unités agro-paysagères :

  • Le plateau de la Barêche et les finages de Lavans-Vuillafans et Echevannes. Il s’agit de l’étage supérieur des premiers plateaux du massif du Jura. Les altitudes se situent autour de 600 mètres mais s’élèvent progressivement en direction du nord et de l’est pour atteindre 700 mètres. La topographie est plane et les vues sont dégagées. L’ensemble se compose d’un vaste openfield où les haies et arbres isolés n’ont jamais été nombreux. Le village de Lavans-Vuillafans s’organise en forme d’étoile au centre du plateau, où toutes les routes convergent. Ici, l’habitat et les fermes ne se sont pas dispersés en raison de la rareté des points d’eau. Il faut cependant admettre une exception, au Rondeau, au nord de la commune. A l’ouest et au sud, le finage se termine par des hautes falaises qui surplombent la reculée de la Loue. L’ensemble repose sur une épaisse dalle calcaire (50 à 70m) du Portlandien soumis à une intense érosion karstique. Il n’existe pas de cours d’eau en surface. La forêt est peu présente, elle se localise dans la reculée de la Loue, dans les reculées perpendiculaires des ruisseaux émissaires qui entaillent le plateau et sur les points les plus élevés aux confins du finage. En s’éloignant vers le nord et l’est, l’altitude augmente progressivement d’une centaine de mètres et le paysage change. Des haies, buissons et arbres isolés apparaissent en direction de Vernierfontaine et Athose. Ici, l’on se trouve sur les calcaires du Kimméridgien dont la particularité est de fournir en abondance des pierres dans le sol qui recouvre cette roche-mère. La dissolution des calcaires par l’érosion karstique et la gélifraction sur un sol superficiel ont obligé les agriculteurs, durant des générations, à épierrer leurs champs et à déposer les cailloux sur les limites des parcelles, là où, aujourd’hui, de la végétation arbustive s’est installée.
  • Les fermes du château d’Ornans sont situées à environ 8,5 km à vol d’oiseau de la fromagerie. Les producteurs sont installés sur une partie des premiers plateaux où les altitudes oscillent entre 500 et 540 m. Là aussi, les vues sont dégagées et les finages se terminent sur les falaises de la reculée de la Loue et de ses affluents. Cependant, ici, aucune agglomération n’est présente, il n’existe que des fermes dispersées. Cet ensemble forme une sorte d’ile ceinturée par les puissantes reculées de la Brême (au nord), de la Loue (à l’ouest) et du Désillot (au sud et à l’est) qu’une crête étroite raccorde à Saules.
  • Le massif de la roche d’Hautepierre, appartenant au faisceau salinois (dit aussi ondulation transversale). Ici, la topographie change radicalement. Aux vues dégagées des plateaux succèdent maintenant les vallonnements d’un contexte montagnard. Il s’agit d’un puissant, mais étroit chainon s’étirant du Mont-Poupet à Nods séparant les premiers et seconds plateaux du massif du Jura. Si le sommet culmine à 850 m et donne à voir un magnifique panorama sur la vallée de la Loue et les plateaux, les finages se déploient autour de 800 m d’altitude dans un contexte de prés entremêlés de bosquets, de haies et de forêts où les résineux deviennent prépondérants. Si le village d’Hautepierre forme une entité organisée, les fermes sont dispersées, elles organisent des hameaux comme au Chatelet ou demeurent isolées (au bien nommé lieu-dit des fermes d’Athose).

Sur le finage de Lavans-Vuillafans, la principale transformation paysagère observée en consultant les photographies aériennes des années 1950 réside dans l’agrandissement des parcelles agricoles sous l’effet conjoint du remembrement rural et de la réduction du nombre d’exploitations. Ce faisant, cette évolution a permis une modernisation des fermes, traduite par la construction de granges et de stabulations au cœur des zones de pâturage, mais en périphérie immédiate du village pour disposer d’eau et d’électricité. Quant à la forêt, elle s’est étendue sur les versants des reculées et en direction du massif d’Hautepierre.

L’activité agricole était et reste animée par l’élevage bovin laitier valorisé en fromage d’AOP Comté. Nous sommes ici au cœur d’une zone de production dynamique, mais pour laquelle il convient de considérer les contrariétés que peuvent lui causer les sécheresses (sur des sols peu profonds et très perméables). Par ailleurs, les éleveurs sont ici très vigilants sur la gestion des effluents d’élevage car ils participent du bassin versant de la Loue.

Photographies aériennes de Lavans-Vuillafans, annéés 1950, années 2020 – source : IGN Remonter le temps
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