La fromagerie de ce village de 355 habitants s’organise pour mutualiser les coûts, rester à taille humaine et faire un bon Comté avec des systèmes agricoles extensifs.
Sur le premier plateau du Jura, la fruitière de La Marre est un haut bâtiment à la façade un peu vieillie par le temps, qui attire vacanciers et habitués dans le mini-magasin où Martine Jeusset, fromagère de son état, leur coupe un morceau de Comté. Du doux ou du fruité ?
Les vingt producteurs des dix fermes de la coopérative fournissent annuellement 4,1 millions de litres de lait qu’ils produisent en exploitant 1 500 hectares de terres agricoles. Ils élèvent leurs vaches en prenant soin des paysages qu’ils voient changer au fil des saisons. « Cette année, avec l’humidité, le trèfle blanc prospère alors qu’on en voyait moins, tout comme la vesse commune », remarque un producteur de lait.
Dans la coopérative, en ce début juillet, le bruit des marteaux piqueurs rythme en sourdine les conversations joyeuses : des travaux d’aménagement sont en cours sur la partie dédiée à la fabrication du Bleu de La Marre, l’autre spécialité de la fromagerie. « La demande est de plus en plus forte et pour y répondre, nous développons l’espace consacré au bleu avec une plus grande cuve », explique le président Patrick Barbier. La fromagerie telle qu’on peut la voir aujourd’hui existe depuis 1953 et a été totalement rénovée en 2015. Avant 1949, La Marre possédait deux chalets fromagers. « L’un au sud, surnommé le chalet rouge et l’autre au nord, le chalet blanc. Mon père racontait que certains passaient tout droit devant le chalet le plus près de chez eux pour se diriger vers l’autre, plus proche de leur sensibilité », raconte, amusé, l’ancien président de la coopérative, Joël Jobez.
Un renouvellement des générations
Depuis 71 ans, les producteurs de La Marre partagent donc un même lieu, que leurs prédécesseurs ont ouvert à d’autres villages alentours : quatre fermes de Ladoye-sur-Seille ont rejoint la fruitière en 1967, deux de Blois-sur-Seille en 1981 et cinq de Mirebel en 1987. Il y a douze ans, pour assurer des temps pleins à leurs employés, la coop de La Marre et celle voisine du Fied ont créé un groupement d’intérêt économique de ramassage du lait avec deux chauffeurs. La coopérative version 2024 est un concentré de très anciennes familles du secteur et d’arrivées un peu plus récentes, dans les années 90, en provenance de Suisse ou d’autres régions de France. Ce melting-pot assure aujourd’hui un bel avenir à la coopérative avec cinq jeunes en passe de s’installer dans les fermes existantes pour remplacer leurs aînés qui partent à la retraite. « Le futur de nos exploitations et de la coopérative est assuré », se réjouit Patrick Barbier.
Martine et Paul Jeusset, le couple fromager
Martine et Paul Jeusset ont rejoint la fruitière de La Marre en 2003. Et ils y sont très attachés ! « Une petite coopérative, le travail en couple, l’ambiance familiale, on y tient », résume Martine. Tous deux sont fromagers depuis « au moins tout ça ! » et il est impossible de dire qui tient la barre de La Marre : c’est une navigation en duo. Après quelques expériences solos, ils ont intégré ensemble la coopérative de Lajoux en 1996, où ils ont appris à fabriquer le Bleu
de Gex et le Comté. Sept ans après leur arrivée à La Marre, ils ont mis au point « leur » bleu, sobrement nommé le Bleu de La Marre. Le « troisième larron » de l’équipe, comme le surnomme affectueusement son chef, c’est Thomas Gervais, l’aide-fromager, qui « va bien et ne rechigne pas à travailler », selon Paul. Ensemble, ils et elle se répartissent les tâches au rythme de deux fabrications bien séparées et du travail en cave. Vu l’ampleur de la besogne, le renfort de Dharma Renaud, l’apprentie qui termine son contrat en septembre, n’est pas de trop ! La jeune femme sera remplacée par deux nouveaux apprentis à la rentrée.
La coccinelle à 16 points / Tytthaspis sedecimpunctata
Facile à reconnaître grâce à la ligne noire qui relie trois points sur le côté de ses élytres, cette minuscule coccinelle est fréquente dans la strate herbacée. Végétarienne, son régime alimentaire est constitué de pollen, de nectar et de champignons de type oïdiums. Elle participe ainsi à la pollinisation autant qu’à la bonne santé des cultures et des prairies. Elle apprécie les prairies riches en fleurs.
La gentiane croisette / Gentiana cruciata
Cette gentiane est facile à reconnaître avec ses fleurs bleu foncé à quatre pétales et ses feuilles allongées, opposées, disposées en croix. Elle forme des touffes lâches dans les pâturages et prairies maigres. Elle est la plante hôte d’un papillon, l’azuré de la croisette, protégé en France. On observe ses pontes sur les feuilles et les fleurs en juin-juillet. La chenille est élevée dans une fourmilière.
Des fromages aux arômes contrastés, réhaussés de saveurs équilibrées
Les Comté de La Marre avancent assez vite en maturité. Même si le goût est encore modéré à 7-8 mois d’affinage, les arômes de type lactique (sérum/lait caillé acidifié, beurre ou chocolat blanc) et torréfié doux (caramel au lait, oignon blondi) s’accompagnent également de notes plus relevées rappelant l’amande grillée, les endives cuites ou encore le jaune d’œuf. Le fruité est plus porté sur des graines que sur du fruit frais : noisette à noix sèche ou encore miel doux. Sur des fromages d’un an, les arômes s’intensifient et peuvent parfois devenir très contrastés : crème fraîche acidifiée, très grillé/torréfié fort avec un fruité original (fruité fermenté), caillette ou une note cuir. Les saveurs et sensations communes apportent du relief aux arômes, avec un équilibre salé-sucré. La pâte est très confortable en bouche, onctueuse, grasse et bien soluble.
A déguster sans laisser vieillir davantage.
Nous affinons les Comté de La Marre depuis la fin des années 90. Avec Paul Jeusset, nous échangeons pas mal sur la technique : lui me parle de ses expériences sur les levains, moi de nos essais sur les nouvelles souches. Il vient chaque mois voir ses fromages et nous sommes fiers des deux médailles d’argent obtenues au salon de l’agriculture avec leurs Comté !
Le mot de l’affineur : Vincent Joly, responsable fabrication et affinage chez Jura Terroi