RECHERCHE.- Le milieu paysan est-il protecteur face aux risques d’allergies ? Pendant dix ans, et dans cinq pays européens, des équipes de chercheurs ont suivi des centaines d’enfants. Les résultats sont positifs.
1133 familles d’Allemagne, d’Autriche, de Finlande, de France et de Suisse, suivies pendant dix ans par des équipes de chercheurs de chaque pays : c’est peu dire que le projet d’étude PATURE, dès ses prémices, faisait du foin. PATURE, c’est le nom d’une étude qui porte sur la Protection contre l’Allergie éTUde du milieu Rural et de son Environnement. Son champ d’action : étudier en zone rurale l’évolution de la vie d’enfants, dès leur naissance, vis-à-vis des allergies. Deux groupes d’enfants ont été suivis durant cette période. Pour le premier, il s’agit d’enfants nés et vivant dans un milieu paysan. Pour le second groupe, il s’agit d’enfants vivant en milieu rural, sans lien avec une culture paysanne. Les chercheurs ont voulu confirmer le rôle protecteur de l’ambiance d’une ferme pour la santé d’un enfant.
Les premiers résultats de l’étude commencent à être dévoilés et confirment l’intuition des chercheurs. Les enfants nés dans une ferme, dès la naissance, sont moins allergiques que leurs homologues non fermiers. Cette protection est liée à l’exposition de la maman à l’environnement des étables et de la grange durant la grossesse et aux contacts avec les animaux, notamment quand il y a beaucoup d’espèces différentes. La protection se poursuit durant la petite enfance. À 4 ans 1/2 et 6 ans, les enfants nés dans une ferme sont moins sujet à dermatite atopique – eczéma – et aux symptômes d’asthme. La protection vis-à-vis des allergies serait amplifiée quand l’enfant, au cours de sa première année de vie, consomme des produits laitiers, notamment au lait cru.
En Franche-Comté, l’enquête a démarré en 2003 sous la direction des professeurs Jean-Charles Dalphin et Dominique-Angèle Vuitton. Elle a concerné 203 familles – 94 fermières et 109 non fermières – recrutées grâce à un partenariat avec la Mutualité sociale agricole.
L’étude n’est pas terminée, ses concepteurs vont chercher à répondre à d’autres questions relatives, par exemple, à la nature des substances qui protègent des allergies, ce qui pourrait déboucher sur l’élaboration d’un vaccin.
En attendant, lors de naissances hors ferme, il faudra peut-être songer à remplacer les cadeaux habituels par une botte de foin ou une génisse !
Une enfance très suivie.- Les familles qui se sont engagées dans ce programme auront passé dix ans avec des rendez-vous réguliers, à commencer par un prélèvement de sang au cordon.
Un premier contact avec l’enfant avait ensuite lieu à l’age de deux mois, puis à un an au CHU de Besançon, puis à 4,5 ans, 6 ans et 10,5 ans.
À chaque fois, une batterie de tests était au programme. Les chercheurs ont effectué aussi de nombreux prélèvements sur les lieux de vie (lait de la ferme, poussières… ).
Anna, fière d’avoir pu aider
Anna Aufort vit en milieu rural mais pas dans une ferme. Elle a assisté aux présentations des résultats de l’étude par les chercheurs et les soignants, exposés très sérieux suivis d’un temps de spectacle pour les familles. Anna retient surtout de ces années, les visites à l’hopital et les prises de sang.
« J’avais peur mais l’infirmière me rassurait, me donnait de petit cadeaux. C’est un bon souvenir car c’est utile pour trouver des ‘médicaments’ contre l’allergie. Ce n’est rien d’aller à l’hopital quand on est en bonne santé ! ». Pour sa maman, remplir des questionnaires sur la santé et l’alimentation était une obligation hebdomadaire surtout la première année avec l’introduction progressive d’aliments. Une astreinte mais aussi une satisfaction de collaborer à la recherche. Les familles française de cette étude européenne ont bien joué le jeu !
Thomas est mordu d’élevage !
Thomas Mareschal vit à la ferme familiale à Gevresin dans le Doubs, une exploitation en production de lait à Comté. Il a participé à l’étude PATURE. Prises de sang et tests d’allergie ont montré qu’il n’était pas allergique. Ses parents ont rempli des questionnaires sur son alimentation et le temps passé à la ferme. Depuis son jeune âge, il est “mordu” par l’élevage. À 2 ans, il s’endormait parfois dans le tracteur à côté de son papa. Thomas a aujourd’hui 11 ans. Il participe dès qu’il le peut à la distribution de fourrage, la traite, le paillage, l’épandage du fumier… Le mercredi après-midi, il accompagne parfois son père, qui est président de la coopérative d’Amancey, pour goûter les fromages chez l’affineur. A la maison, c’est lait cru de la ferme pour tout le monde !
« 10 ans de suivi, c’est long mais pas très contraignant. Aider la recherche pour voir si les enfants de ferme sont plus résistants que les autres, cela peut servir », insiste Vincent Mareschal. Sur ses 4 enfants, aucun n’est allergique.