Dans la Petite Montagne jurassienne, les producteurs savent prendre de la hauteur pour se jouer de conditions particulières liées notamment au climat.
Au sud de Lons-le-Saunier, dans la Petite Montagne jurassienne, la fruitière de Gigny-sur-Suran s’est créée au début du XXe siècle dans du solide. Dans ce très joli village qui a vu naître les prémices du mouvement cistercien, la fromagerie est installée sous des voûtes datant du XVe siècle. Un panneau rappelle l’histoire du lieu. Les temps ont heureusement changé et le pilori villageois installé devant le bâtiment a laissé la place à une cuve fleurie et un panneau touristique sur les fruitières du pays.
« Nous sommes un peu à l’étroit, mais c’est cela qui fait le charme de la fromagerie, c’est pittoresque et nous n’imaginerions pas aller ailleurs », explique Emmanuel Champon, le président. Dans la boutique –désormais un des rares lieux d’animation commerciale du village–, le panneau qui recense les arômes des fromages de la fruitière est bien visible et attire la curiosité des clients. Josiane Dupuy, qui assure la vente, ne manque pas de répondre aux questions et de faire visiter les lieux. Dans l’ensemble les sociétaires jugent les résultats comme un plus « pour savoir où on se situait ».
Les sociétaires ont eu, il est vrai, des soucis ces derniers mois. La perte de volumes de lait pendant l’année 2005 a inquiété. L’arrivée au début de l’année 2006 de nouveaux sociétaires prêts à s’investir motive tout le monde. Le volume traité va retrouver son niveau antérieur, entraînant dans le même temps une reprise des investissements et la perspective d’embauche d’un second fromager.
Géographie
Dans le sud de la zone AOC Comté, la Fruitière de Gigny-sur-Suran est située sur une zone au relief assez tourmenté appelée Petite Montagne. Le bassin laitier reste majoritairement centré autour de la fruitière et concerne les communes de Loisia, Gigny, Monnetay, Villechantria et Montagna. Les 907 hectares de SAU* s’échelonnent de 350 m à quelque 600 m, pour une altitude moyenne de 415 m.
Le bassin laitier comprend la plaine du Suran (de 350m à 380 m) et les monts environnants (de 480 m à 530 m avec un maximum de 596m au sud de Monnetay).
Climat
Cette mini-région comporte deux saisons contrastées, estivale de mai à octobre et hivernale de novembre à avril. La période hivernale n’est sensiblement pas plus arrosée que la période estivale: les statistiques sur une période de 40 ans ne montrent pas d’influence prépondérante, océanique ou continentale sur le méso-climat de la fruitière. D’une année à l’autre, les changements peuvent être brusques et radicaux, passant d’un strict climat continental à un climat océanique.
Précipitations : 1 428 mm/an répartis irrégulièrement, avec un maximum en novembre (143 mm) et un minimum en juillet (89 mm). Pour son altitude, la fruitière est « bien » arrosée : le cumul des précipitations est voisin de celui mesuré dans le Saugeais ou le plateau de Maîche (1 446 mm), secteurs pourtant situés à plus de 800 m d’altitude !
Géologie
Le sous-sol est assez récent mais hétérogène. Il est dominé par des calcaires marneux et marnes du Jurassique supérieur constituant 31 % du sous-sol à l’affleurement, âgé de 155 millions d’années et des alluvions récentes dans la plaine du Suran dans une proportion de 29 %. On note une bonne proportion d’alluvions de terrasses anciennes (9 %) lorsque l’on s’éloigne du Suran. Pour être exhaustif, il faut ajouter des calcaires durs et karstifiés du Jurassique moyen, typiques des premiers plateaux, des calcaires purs et durs du Jurassique supérieur et des calcaires tendres du Crétacé. Ainsi, au total, 26 unités de sols ont été recensées sur le bassin laitier de Gigny-sur-Suran.
C’est la raison pour laquelle se trouvent sur les monts et plateaux des sols superficiels drainants hyperporeux (jaune et orange sur la carte) qui peuvent très rapidement devenir « séchards » et qui sont d’ailleurs les types les plus représentés. Au fond de vallons se trouvent des sols profonds (en vert) propices à une production de foin plus conséquente. Les sols deviennent plus ou moins asphyxiants aux abords du Suran (en bleu). D’ailleurs, presque 32 % de sols du bassin laitier de Gigny ont des difficultés de drainage.
Flore
112 espèces sont recensées dont 14 aromatiques. Les sept espèces les plus abondantes sont : la houlque laineuse, le trèfle des prés (violet), le dactyle aggloméré, le pâturin commun, le trèfle rampant, le brome mou et le rumex oseille. Les conditions climatiques, et notamment les périodes de gel –« on gèle tôt et tard » souligne Emmanuel Champon –, entraînent des rendements faibles. « On hérite aussi de l’histoire de notre mini-région, avec de la polyculture élevage conduisant à des rendements faibles, ce qui ne nous a pas favorisés au moment de l’attribution des quotas. Avec environ 2 000 litres de lait à l’hectare, nous ne sommes pas dans les conditions d’un plateau comme, par exemple, le secteur de Nozeroy », ajoute le président de la fruitière.
Le Comté de Gigny
Les fromages se distinguent par une odeur « briochée », très nette au moment de la cassure de la pâte entre les doigts. La dominante repose sur les notes « oignon blondi », « agrume », « brioché », « noisette fraîche », « beurre frais ».
D’autres nuances plus discrètes viennent compléter cette palette : « petit-lait chaud », « jaune d’oeuf », « pomme de terre vapeur » et « cacahuète ».
Les quatre saveurs – salé, sucré, acide, amère – sont présentes et forment souvent un équilibre salé sucré. La pâte à 6 – 8 mois d’affinage est souple, peu résistante, elle est souvent onctueuse et fine en bouche.
Venu de Hollande avec son épouse Karin, sociétaire de la fruitière, Nicolass Van Don Selaar tire humoristiquement ses conclusions de l’étude : « Le Comté a des arômes de cacahuète. Donc à l’apéritif, le Comté suffit. Il a des arômes de pomme de terre. Donc, pas la peine d’en servir, le Comté suffit. Il pourrait tout remplacer. C’est formidable ! »
*Surface Agricole Utile
La Fruitière de Gigny en bref…
11 sociétaires en 2005, 15 en 2006 (communes de Gigny, Loisia, Montagna, Lamarre et Villechantria) • En fromagerie: Jacques et Josiane Dupuy
Affineur: Rivoire-Jacquemin
Litrage: 1,65 million de litres en 2005. Prévision de 2,2 millions en 2006
Choix de Comtés à la boutique: 5 sortes de Comtés sont présentés à la vente. Les fromages vendus à la boutique sont affinés sur place