Alain Mathieu, vous êtes le nouveau Président du CIGC, élu depuis le 13 juillet pour une durée de trois ans, à la tête d’une équipe plurielle représentant tous les courants syndicaux et les métiers (agriculteurs, fromagers, affineurs et préemballeurs) de la filière Comté. Comment imaginez-vous les prochains mois ?
« Les mois qui ont précédé cette élection furent, comme c’est souvent le cas dans la filière, un moment de démocratie où chacun s’est interrogé sur son rôle à jouer dans la filière et sur la manière de porter fidèlement ses valeurs. Durant ce mandat qui m’a été confié, je m’inscrirai, comme le Comté, dans un temps long et je demeurerai fidèle au cap donné par l’interprofession.
Le travail intense de discussions mené depuis 18 mois autour du cahier des charges mobilise toutes les énergies dans une filière qui vit, qui respire. La poursuite de ce projet structurant nécessite forcément une continuité. De même, la nouvelle stratégie de communication est en cours de déploiement et doit être accompagnée. Enfin, nous sommes au tout début d’une période triennale de nos règles de régulation de l’offre. Ces actions qui débutent doivent être menées à leur terme. Mais nous devons aussi préparer l’avenir !
J’ai beaucoup de plaisir à succéder à Claude Vermot-Desroches, infatigable défenseur du Comté. Il a su animer le conseil d’administration et la filière dans le consensus, sans pour autant renoncer aux débats mettant à jour des divergences, dans le but de trouver des points de convergence. La volonté qui m’anime pour les années à venir est celle de voir l’ensemble des acteurs de la filière conduire un travail de fond sur tous les sujets.
Ceci pour prendre les décisions qui permettront à la filière de conserver ses promesses, tant pour ses membres que pour les consommateurs et la société.
Sur le futur cahier des charges, dont plusieurs points ont été validés lors de la dernière assemblée générale du 29 juin, quels sont les prochains enjeux ?
Les décisions prises récemment par l’interprofession répondent à la place nouvelle qu’ont acquis l’agriculture et l’alimentation dans notre société. Les consommateurs attendent du goût, du plaisir, mais veulent aussi donner du sens à leur consommation.
Le souci de l’environnement, de la biodiversité, du bien-être animal sont des valeurs déjà défendues par notre filière depuis de longues années. C’est bien la passion de la Montbéliarde et de la Simmental, l’amour du travail bien fait et l’attachement à notre territoire qui nous animent depuis toujours !
C’est ce que nous souhaitons formaliser juridiquement dans ce nouveau cahier des charges. Je suis persuadé qu’on peut aller plus loin dans le sens donné aux métiers, aux savoir-faire, au rôle de l’humain dans la filière.
Que voulez-vous dire par « aller plus loin dans le sens donné au rôle de l’humain dans la filière » ?
Nous avons pris, à l’assemblée générale du 29 juin, la décision d’encadrer la croissance des ateliers, au travers de mesures techniques restant à définir. Cette future mesure va permettre de maintenir la diversité des Comté et sera une façon efficace de perpétuer les savoir-faire artisanaux du métier de fromager.
Dans le même esprit, la limitation de la taille des exploitations reste à approfondir pour lui donner du corps. Plusieurs pistes sont possibles, comme celle d’un nombre de vaches par agriculteur. Il s’agit avant tout de conserver une agriculture familiale, faite avec des chefs d’exploitation maîtres de leurs décisions. Les propositions sur le statut du producteur de lait à Comté vont dans ce sens, pour perpétuer notre modèle agricole.
L’économie du Comté se porte comme un charme, les consommateurs l’apprécient et ont confiance dans ce produit gourmand, sain et artisanal. On pourrait presque se dire que la tâche qui vous attend est facile ?
Et pourtant ! L’enjeu majeur des prochaines années restera la cohésion, car la réussite peut parfois devenir le ferment de l’individualisme. On l’a vu dans d’autres filières… Les générations qui nous ont précédés ont d’abord installé une gestion collective de la filière, se sont dotées de règles strictes et ont su développer la notoriété du Comté. L’assise économique est venue ensuite consolider ces acquis. Aujourd’hui, notre réussite, issue des efforts passés, fait notre fierté, mais peut aussi constituer un point de fragilité. Il ne faut en aucun cas nous endormir, se dire que tout est acquis et ne plus s’investir collectivement dans la filière. Le monde environnant va très vite. Il faut s’adapter en permanence. C’est très exigeant, mais je suis confiant dans l’avenir, tant la filière regorge de talents, de passion et d’enthousiasme pour relever les défis qui nous attendent ! »