Quand une spécialiste en immunologie veut tordre le coup à quelques idées reçues… elle s’appuie sur les recherches menées en Franche-Comté. Les bienfaits du lait cru pour notre santé sont indéniables.
Professeur émérite en immunologie clinique à l’Université de Besançon, expert auprès de la Commission Européenne, Dominique Vuitton apparaît un soir à la télévision dans le documentaire « Ces fromages qu’on assassine » pour fustiger les nombreuses attaques se parant un peu vicieusement des vertus de la science pour dénoncer le lait cru et les fromages fabriqués avec celui-ci. La contre-offensive s’appuie sur près d’une décennie de recherches menées à l’Université de Besançon par Dominique Vuitton et ses partenaires. « Je pensais anormal, explique Dominique Vuitton, que se dépensent des fortunes en recherche pour promouvoir des produits standards, et, en même temps, dévaloriser les fromages au lait cru comme les pâtes pressées cuites et le Comté, sans que ces derniers puissent se défendre. » Les recherches menées s’intéressent au cadre de vie paysan montrant que les enfants vivant dans les fermes sont moins sujets aux allergies, soulignant que certaines protections immunitaires « sont liées à la consommation de lait cru ».
Une seconde étude porte sur l’impact de la consommation de fromage sur la flore intestinale. Étude positive établissant les bienfaits de la consommation de fromage, au lait cru ou pasteurisé, mais « où l’on remarque que les fromages au lait cru renforcent encore mieux cette capacité de résistance ». Des programmes de recherche lourds qui s’appuient sur la vraie nature humaine et pas sur des souris, comme cela se passe souvent dans l’agroalimentaire. « Pour la vie à la ferme, nous avons suivi 200 enfants de la région, dès la grossesse des mamans. Nous avons été soutenus par la MSA qui nous a permis de contacter les familles. Pour la seconde étude, nous avons suivi 18 personnes. C’est extrêmement rare. »
Dominique Vuitton, franc-comtoise, a des souvenirs d’enfance qui portent l’odeur des fromageries du côté de Charquemont ou de Flangebouche où l’on va chercher le lait le soir. Après des études commencées à la faculté de médecine de Besançon, prolongées à Strasbourg, elle opte pour la chirurgie puis la gastro-entérologie avant de se spécialiser en immunologie. Elle se consacre à l’échinococcose alvéolaire, maladie qui prospère dans les campagnes et dont l’Université de Franche-Comté est désormais un centre de référence mondial. À Besançon, vers la fin des années 1990, divers concours de circonstances – des rencontres avec des collègues chercheurs de l’INRA à Poligny, avec Jean-Jacques Bret, directeur du CIGC – l’amènent à s’intéresser à l’étude du milieu de vie fermier, au lait cru et aux fromages, avec les résultats que l’on connaît maintenant.
Pour Dominique Vuitton, il reste bien des chantiers de recherche à ouvrir, notamment dans le domaine de la matière grasse du fromage, d’idées mal reçues à rectifier, et cela ne concerne pas seulement le consommateur européen. Chez le consommateur chinois en pleine mutation comme dans les affres de l’Amérique obèse, les études menées peuvent utilement servir à montrer qu’il n’est pas très utile pour être en bonne santé de consommer des produits dont on a d’abord vidé les matières premières de leur substance pour les « enrichir » ensuite. Il suffit de manger du Comté pour s’en convaincre. « C’est bon et c’est bon : pour le goût et pour la santé. »