Avec son cabinet Artica, l’architecte dolois a conçu 80 % des fruitières et caves d’affinage à Comté. Pour ce fils d’ingénieur électronicien, maîtriser la technicité des fromageries est un passionnant défi qu’il relève depuis près de 30 ans
Teint hâlé, voix douce et posée, Claude Meynier nous reçoit dans ses bureaux dolois, où ses trois fidèles collaborateurs œuvrent sur ordinateurs dans un open space. L’ambiance est studieuse, mais il plane dans l’air une atmosphère de bonne entente ; ces quatre-là sont sur la même longueur d’ondes. « Je veux un esprit familial, où règne la confiance et la convivialité », confirme l’architecte jurassien. Avec Marc et Ludovic, les deux projeteurs d’Artica, et avec Emmanuel, responsable d’affaires et économiste, l’équipe s’est spécialisée au fil des ans dans la conception de bâtiments pour l’agro-alimentaire, plus spécifiquement les fromageries et caves à Comté.
Toutes les fromageries ne se ressemblent pas
Depuis 1993, date de création d’Artica par Claude Meynier, l’agence a conçu 64 fromageries et travaillé pour dix affineurs de l’AOP Comté. Dans ces bâtiments où chaque détail compte, l’architecte, « un peu artiste et très cartésien », aime plus que tout le défi technique. « En fromagerie, tout ce qui ne se voit pas est primordial. Il faut gérer les réseaux, les fluides, l’électricité, l’eau adoucie … dans
une logique d’efficacité et d’économie. » Et penser à tout ! Ce serait une grande erreur d’imaginer que toutes les fromageries se ressemblent : impossible, comme certains le suggèrent, de reprendre un vieux plan et de l’adapter ! Chaque conception diffère en fonction du choix du matériel de fabrication, du terrain, des souhaits spécifiques de chacun. « Le seul principe immuable, c’est la marche en avant des produits », assure Claude Meynier.
Dans les caves, c’est la chasse aux ponts thermiques, l’isolation maximale et parfois la création de puits canadiens. « Le principe d’une cave d’affinage, c’est de gérer le froid et l’hygrométrie sans trop brasser l’air. Les nouvelles caves ont contribué à l’amélioration de la qualité des croûtages. »
Hier les pères, aujourd’hui les fils et les filles
Cet homme de 62 ans, qui ne pense pas un instant à la retraite, a vu grandir et évoluer la filière Comté. « L’une de mes premières fromageries était celle d’Epenoy et les premières caves, celles de René Seignemartin, que mon oncle connaissait bien. » En 1990- 2000, les fromageries se conformaient aux nouvelles normes, opérant quelques ajustements. Dès 2010-2020, les constructions neuves ont débuté. « Au fur et à mesure de la montée en gamme du Comté, les coopérateurs se sont montrés plus réceptifs à l’usage de matériaux plus coûteux et plus esthétiques, comme la pierre ou le bois », constate ce chef d’orchestre de la construction. « Aujourd’hui, il y a une réelle volonté du Comté d’avoir de beaux chalets, représentatifs de l’image traditionnelle et artisanale du produit, bien intégrés dans leur environnement. »
L’architecte, qui enchaine les journées de 10 ou 12h, exerce un métier passion et ne cache pas son attachement aux gens de la filière : « J’ai connu les pères et je travaille aujourd’hui avec les fils et les filles. J’aime le monde agricole, leur contact franc, sincère. Avec le Comté, on a tout de suite affaire aux décideurs : ceux qui utilisent et ceux qui paient. »