En plus d’être une toute jeune coopérative (à l’échelle de la filière Comté !), Chevigny est la fruitière la plus au nord du département du Jura, sur les confins des départements de Côte-d’Or et de Haute-Saône.
Le 10 juillet 1963, 58 producteurs de lait du Nord Jura décident de prendre leur destin en main et de créer une coopérative fromagère à Chevigny, apportant chacun un capital de 45 000 francs (anciens). « Il faut se replacer dans le contexte de l’époque, explique Alain Roy, actuel président de la coopérative. Les agriculteurs, après avoir subi une série de défaillances de petits industriels privés qui ne pouvaient plus payer le lait, se sont engagés dans les valeurs de la coopération et de la filière Comté ».
Au fil des années, Chevigny a fait sa place au sein de l’AOP. Le Comté, affiné chez Rivoire-Jacquemin, est la production principale, mais, grâce au fromager Yves Michel et à son épouse Chantal, il se fabrique aussi pour la vente au magasin du Morbier (plusieurs fois primé au concours de Morbier), de la raclette, du beurre, du fromage blanc, de la crème et du serra* maison. Et depuis 2007, du Comté bio, à l’initiative de l’ancien président, Michel Cucherousset, lui-même en lait bio. Les Comté bio sont vendus à l’UFBC (Union des fruitières bio comtoises) et affinés à façon à la fromagerie Roy à Brans. « Nous lui confions également tous les fromages qui sont vendus au magasin. Si on peut encourager et offrir un surcroît d’activité à une PME locale, on le fait bien volontiers. »
Un nouveau magasin
La fruitière de Chevigny va construire un magasin indépendant, en face de la fromagerie, pour améliorer l’accueil du public et les conditions de travail des vendeuses. Ce qui permettra également d’accompagner l’évolution de l’activité. Le chiffre d’affaires du magasin n’a cessé d’augmenter et devrait atteindre 600 000 euros en 2011, soit 25 % du chiffre d’affaires de la coopérative.
Autre projet : l’agrandissement de l’atelier de fabrication avec l’ajout d’une cuve de 3 200 litres, des vestiaires et des sanitaires neufs, un bureau ainsi qu’une extension des caves pour passer de 350 à 500 places. « Nous allons également développer notre production de Morbier », indique le président. La coopérative vient d’être retenue par appel d’offre pour fournir une partie du centre hospitalier de Dole en Comté (1 meule par semaine). « Il ne faut pas avoir peur de mettre un pied dans ces structures qui s’intéressent aux producteurs locaux. Notre cahier des charges Comté et notre mode de production extensif sont un atout. »
* “Fromage” fabriqué avec les protéines contenues dans le petit lait.
Les sols et le climat
En plus d’être dans une situation géographique assez extrême par rapport à l’ensemble des fromageries de la zone AOP, le bassin laitier de Chevigny est marqué par une grande proportion de sols plus ou moins hydromorphes (dont presque 30 % de sols à nappe perchée temporaire). L’autre particularité étant celle d’une forte représentativité de sols sur alluvions plus ou moins anciennes.
Cependant, des unités de sols présentes sur le bassin laitier confortent sa ressemblance géologique avec le massif jurassien par la présence de sous-sols du Jurassique supérieur et moyen.
Avec 985 mm, hauteur moyenne de précipitation par an, on est loin des valeurs du secteur de Nozeroy par exemple avec 1 710 mm, ou même de celle plus proche du premier plateau avec, pour Plasne, une valeur moyenne de 1 310 mm. Les températures sont également plus clémentes. Les moyennes des mois de l’hiver ne passent pas sous la barre de zéro degré.
La flore
La Lychnis fleur de coucou (Lychnis flos cuculi) doit son nom à sa période de floraison qui correspond à la période où le coucou commence à chanter.
Cette plante de la famille des Silènes se reconnaît très facilement à la forme très découpée de ses pétales roses. Sa tige est souvent élevée, permettant aux fleurs d’émerger des prairies humides où pousse cette plante. Elle est donc relativement bien présente dans les prairies du bassin laitier de Chevigny.
Le goût des Comté de Chevigny, affinés par la Fromagerie Rivoire-Jaquemin
Lorsque les membres du jury terroir ont dégusté les Comté de Chevigny au début des années 2000, ils les ont trouvés très doux, voire tout en délicatesse : les arômes les plus cités étaient “sérum chaud”, “chocolat blanc”, “agrume pressé”, “caramel au lait”, “noisette fraîche” et “peau de lait” (rappelant les petits gâteaux locaux élaborés avec la peau du lait bouilli reposé une nuit).
Plus récemment, plusieurs échantillons un peu plus affinés ont été dégustés soit avec Claire Perrot du GAG, soit avec le jury terroir (CIGC) en décembre : la conclusion est la même, les arômes précédents sont confirmés comme le côté “chocolat blanc” ou le côté “caramel au lait”, auxquels vient s’ajouter une note “miel d’acacia”. Enfin, en s’affinant, les arômes sont encore plus chaleureux et reposent sur une note de fond de type “purée au beurre”, les Comté les plus affinés laissant apparaître une note “cuir” supplémentaire.
Belle continuité dans les arômes d’une fromagerie à Comté à 10 ans d’intervalle !
La fruitière de Chevigny en bref
Sociétaires : 16 sociétaires à Chevigny, Biarne, Brans, Champagnolot, Champvans, Chatenois, Frasne, Les Meulières, Menotey, Moissey, Peintre, Montmirey-le-Château et Saint-Vivant
Président : Alain Roy
Fromager : Yves Michel
Aide-fromagère : Chantal Michel
Cavistes : Hervé Gellereau et Alexandre Baudard
Vendeuses : Geneviève Durey, Françoise Mignot et Audrey Foucherans
Visite, film et dégustation
Affineur : Fromagerie Rivoire-Jacquemin (Montmorrot), et Fromagerie Roy (Brans)
Litrage : 3,2 millions de litres de lait, dont 750 000 l transformés en Comté bio vendus à l’UFBC
Fabrication : Comté, Morbier, raclette, serra, fromage blanc, crème, beurre
Ramassage du lait : société Bouquerod-alimentaire