> Par Pascal Bérion
Maître de conférences en Aménagement de l’espace et urbanisme • Université de Bourgogne-Franche-Comté / Laboratoire ThéMA UMR CNRS 6049
Le terroir de la fruitière de Charmauvillers appartient à la partie septentrionale de l’aire géographique de l’appellation Comté et participe du périmètre du Parc Naturel Régional du Doubs horloger.
Les 19 exploitations de la fruitière mettent en valeur 1 700 ha intégralement composés de prairies naturelles. Les deux tiers des producteurs se localisent à moins de 6 km de la fromagerie au sein des finages de Charmauvillers, Damprichard (fermes de Prés Maillot), Fessevillers (Montsacier …), Goumois et Urtière. Le reste se répartit dans des villages, hameaux et fermes isolées du plateau de Maîche.
Le terroir s’organise autour de trois unités agro-paysagères d’une importance inégale :
> A l’est, se trouvent les gorges du Doubs faisant frontière avec la Suisse et cette partie du Jura que l’on appelle les Franches-Montagnes. Les pentes sont puissantes, le dénivelé est de l’ordre de 450 mètres ! Quelques espaces propices à l’agriculture sont présents au fond des gorges à Goumois ou sur quelques rebords et replats tels ceux des hameaux et fermes du Plain et de Valoreille sur Charmauvillers ;
> Au centre, sur un axe orienté nord-est sud-ouest, se développe un étroit chainon montagneux dénommé faisceau de Damprichard. Il s’agit d’un anticlinal érodé, qui comprend les finages de Fessevillers, Urtière, Charmauvillers et les fermes de Pré Maillot. Les altitudes maximales atteignent 1000 mètres, les prairies s’organisent en vastes clairières parallèles à l’orientation générale du relief et se situent aux environs de 900 mètres d’altitude. Les pentes
sont occupées par la forêt. Les zones ouvertes donnent à voir des vues remarquables sur les Franches-Montagnes et le point culminant du nord du massif du Jura, le Chasseral, localisé en Suisse et terroir de la production du fromage Tête de Moine ;
> A l’ouest, autour de 800 mètres d’altitude, se déploie une vaste zone relativement plane correspondant à une aire dite synclinale sur laquelle se déploient les prairies de Damprichard, Ferrières-le-Lac et Trévillers. Il s’agit d’un
secteur à très fort potentiel agronomique sur lequel sont présents des sols très profonds, dont la présence explique en partie la forte densité des exploitations agricoles et la pression foncière à l’œuvre sur ce secteur. Il se termine par un faisceau qui fait la liaison avec la reculée du Dessoubre.
La comparaison de photographies aériennes datant de 1958 et 2020 donne à voir une certaine stabilité des grands ensembles occupés par l’agriculture.
Certes, les parcelles actuelles sont plus vastes qu’en 1958, mais sans bouleversement majeur. Les principaux réseaux de haies sont demeurés en place. Des secteurs comme celui des fermes des Prés Maillot n’en possèdent pas et n’en ont jamais possédés. Les prés isolés dans la forêt ont en revanche presque tous disparu, au profit des plantations de résineux encouragées par les dispositions du Fonds Forestier National. L’urbanisation a consommé quelques terres agricoles secondaires (pâtures communales très embroussaillées), mais s’est limitée aux abords immédiats des voies de circulation. La proximité de la Suisse favorise une demande d’habitat résidentiel pour des travailleurs frontaliers, mais l’absence d’un axe routier important et de pôle industriel immédiat en émoussent la vigueur. Le village de Charmauvillers présente une originalité dans l’architecture de nombreux bâtiments qui témoignent du travail dans l’horlogerie au cours du XIXe siècle. Beaucoup de familles travaillaient au montage de boitiers de montres durant l’hiver. Ainsi, de nombreuses maisons présentent de vastes ouvertures pour bénéficier de la lumière naturelle, disposition adoptée par les manufactures installées au village. C’est notamment le cas de celle sise en face de la fromagerie, ancienne usine Nappey Frères construite en 1905.