Chapelle-des-Bois, précurseure et gardienne des traditions

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La fruitière réunit huit exploitations agricoles, toutes situées dans ce village aux confins du Doubs et du Jura, proche de la frontière suisse.

A Chapelle-des-Bois, les producteurs de lait à Comté ont su anticiper l’avenir et préserver les traditions. Leurs pratiques sont très extensives avec une productivité maximum de 2 300 litres de lait par hectare et par an. C’est profitable au finage local possédant une « haute valeur environnementale ». « Ici, ce qualificatif n’est en rien galvaudé lorsqu’on prend la mesure de la richesse et du caractère remarquable des milieux naturels qui s’y épanouissent », assure Pascal Bérion, géographe à l’Université de Bourgogne Franche-Comté. Mais, ces hautes terres de la haute-chaîne du Jura sont loin d’être commodes pour les éleveurs ! L’espace agricole se déploie sur un peu plus de 900 ha, situés aux alentours de 1 100 mètres d’altitude.

Pionniers de l’agriculture bio

L’hiver est très long. Les vaches rejoignent généralement les étables vers la fin octobre et ne retournent dans les pâturages qu’à la fin avril voire début mai ! La pousse du foin est tardive. Compte tenu de l’adversité de la nature, les producteurs doivent engranger de grandes quantités de fourrages pour nourrir les vaches durant six mois et plus. Ils auraient pu se tourner, comme cela s’observe dans d’autres montagnes, vers une intensification de la culture de l’herbe pour conforter leurs ressources fourragères. Mais ils ont délibérément choisi une autre voie, difficile, incertaine et se sont faits pionniers dans l’agriculture biologique dès 1976, il y a 45 ans. « C’était une demande de notre affineur, Marcel Petite, que les anciens de la coop ont su entendre », expliquent en chœur le président, Laurent Courvoisier et Lionel Bourgeois, responsable du magasin. Ils avaient compris que l’avenir ne se jouerait plus sur les volumes, mais sur la qualité et les valeurs sociales et environnementales des productions alimentaires. Ils étaient des précurseurs.

La coulée, une tradition ancrée

Autre particularité de la fromagerie de Chapelle-des-Bois : la coulée ! C’est l’une des très rares coopératives de l’AOP Comté à la pratiquer encore. Chaque matin et chaque soir, les producteurs livrent eux mêmes leur lait à la fromagerie, au cœur de ce village très touristique dans un bâtiment régulièrement rénové datant de 1905. Cette tradition, adaptée au petit litrage et au fait que la moitié des fermes traient au champ l’été, est perpétuée par la jeune génération, entre autres par Stéphane Blondeau et Audrey Salvi, fils et fille de producteurs, qui viennent de s’installer en janvier et juin 2021. La relève est assurée !

FICHE D’IDENTITÉ

SOCIÉTAIRES: 14 producteurs de lait dans 8 exploitations, toutes à Chapelle-des-Bois
PRÉSIDENT: Laurent Courvoisier (depuis 2018)
SALARIÉS: 1 fromager, 2 seconds, 4 vendeuses (Adeline, Caroline, Cathy et Véronique)
LITRAGE: 2,1 millions de litres de lait
AFFINEUR: Petite via l’UCAFT
FABRICATION: Comté, Morbier, raclette, tomme, beurre, crème, fromage blanc et Sérac
CONTACT: 2 Place de la Fruitière • 25240 Chapelle-des-Bois
Tél. 03 81 69 20 91
www.fromagerie-bio.net

Fabrice Bourdenet, nouveau fromager de Chapelle

Si Fabrice Bourdenet est nouveau à Chapelle-des-Bois, c’est un vieux de la vieille dans le métier ! Après Tourmont où il a exercé 15 ans, le fromager a intégré la coop de Saint-Antoine avant de rejoindre Chapelle-des-Bois en mars 2020. Originaire du secteur de Quingey, il est né dans une famille de fromagers: ses grand-père, père, oncle et plusieurs de ses cousins ont eux aussi embrassé le métier. Fabrice, après une formation de mécanicien monteur, a préféré mettre la main dans la cuve pleine de bon lait que travailler dans le cambouis … Avec ses deux seconds, Antoine Berthet-Tissot et Victor Fongellas, ils transforment 2,1 millions de litres en cinq fromages : Comté, Morbier, tomme, raclette et Sérac, spécialité locale franco-suisse. Ce fromage maigre est fabriqué à partir du petit-lait. La plupart du sérum est cependant consommée par les 450 cochons de la porcherie, eux-mêmes valorisés par une autre filière AOP régionale : la Saucisse de Morteau.

Fabrice Bourdenet, Victor Fongellas et Antoine Berthet-Tissot

Faune & flore locales

En partenariat avec le Conservatoire botanique national de Franche-Comté – Observatoire régional des invertébrés.

La coénomyie ferrugineuse / Coenomyia ferruginea

Cette grosse mouche orange, dodue et maladroite, se rencontre surtout dans les secteurs de moyenne et haute montagne. Sa larve vit dans les sols riches en humus et le bois vermoulu. L’adulte se nourrit de miellat et de nectar, et s’observe le long des haies, des lisières et dans les prairies humides, soulignant l’intérêt de conserver ces habitats. Particularité étonnante, cet insecte exhale une forte odeur de fromage, ce qui, reconnaissons le, est peu banal !

L’iris de Sibérie / Iris sibirica L.

L’iris de Sibérie est une plante rare en Franche-Comté, très localisée dans le Haut-Doubs, dans quelques prairies marécageuses parmi les hautes herbes. Contrairement à ce qu’évoque la Sibérie, cette plante n’est pas liée aux grands froids, son nom d’espèce indiquant son aire de répartition. Cependant, les populations françaises sont en limite d’aire occidentale, ce qui explique sa protection nationale. Ce bel iris violet supporte une fauche tardive.

Un Comté gourmand, bon comme un dessert

Palette aromatique des Comté de la fruitière fabriqués entre 2018 et 2020 et affinés par la maison PETITE. Dégustation du Jury Terroir (CIGC).
• Intensité du goût : discrète à moyenne
• Equilibre des saveurs : salé – acidulé très léger
P = arômes principaux / S = arômes secondaires / D = arômes discrets

Plutôt d’intensité de goût modérée, les Comté de Chapelle-des-Bois n’en présentent pas moins une palette aromatique intéressante, tout en nuances. Il n’est pas rare qu’à l’heure du succès des panna cotta, les Comté de Chapelle évoquent tout autant un dessert qu’un fromage ! Les notes lactées persistent longtemps en bouche rappelant le beurre et le chocolat blanc. Les notes fruitées sont nombreuses et diversifiées : noisette ou noix, fruit à noyau (abricot ou prune), amandes ou noisettes légèrement grillées. Dans la continuité du torréfié, les dégustateurs relèvent une nuance de cacao au lait. Au fi l des saisons ou d’un affinage plus ou moins poussé, les dégustateurs peuvent citer du grillé, de la pomme de terre vapeur, de l’endive cuite et du lactique acidifié comme pour un fromage blanc faisselle tapissant le palais de matière grasse. Les arômes sont bien soutenus par le niveau en sel ; une pointe d’acidité met en valeur les arômes fruités. La texture est dense, ronde, fi ne et confortable, on pourrait presque annoncer : le dessert est servi !

LE MOT DE L’AFFINEUR

« A 1 100 m d’altitude, cette coopérative dynamique est située
sur un territoire particulier où l’agriculture biologique préserve une diversité floristique typique grâce à des pratiques agricoles extensives. Fabrice, le fromager, coopère bien avec les sociétaires au profit de la qualité de la fabrication. Depuis 45 ans, la maison Petite prend soin de ces fromages qui, à maturité, expriment un équilibre d’arômes doux, lactiques et fruités. »
Yoann Grandjean et Lionel Petite, Fromageries Marcel Petite

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