Cerneux-Monnot, des hivers froids, des étés frais et un karst fragile

p11 - Paysage Cerneux-Monnot - Thierry Petit

Les Cerneux-Monnot sont un hameau composé originellement par le regroupement de plusieurs fermes autour d’un point d’eau sur les sommets du Haut-Doubs. Il est situé sur la commune de Bonnétage entre Maîche et Le Russey.

La fruitière est ancienne, sa présence est attestée avec certitude dès 1801. En 1851, elle a produit 4 207 kg de fromages de type gruyère, c’est-à-dire un peu plus d’une centaine de meules. A cette date, elle comptait 10 associés pour 52 vaches laitières (soit environ 1 000 litres fromageables par vache, n’oublions pas qu’elles devaient préalablement nourrir leur veau, l’usage en fromagerie n’était possible que lorsque ce dernier était sevré).

En 1895, les producteurs ont abandonné l’antique système du tour (fromagerie mobile se déplaçant auprès de chaque sociétaire au prorata du volume de lait livré) et ont fait construire une fromagerie. Elle sera longtemps gérée de façon indirecte par des fromagers suisses qui y produisaient de l’emmental, usage très courant dans cette partie de la montagne jurassienne. Après la seconde guerre mondiale, la fruitière a adopté le mode de gestion directe et a fabriqué du Comté. En 1975, elle s’est convertie à l’agriculture biologique avec les encouragements de son affineur, les fromageries Marcel Petite auquel elle est fidèle. Elle est pionnière, mais pas seule puisque, dans le Doubs, les fruitières d’Amondans, de Chapelle-des-Bois et de la Chaux-de-Gilley ont fait de même à cette période.

Son terroir s’inscrit dans le Haut-Doubs horloger et participe du Parc Naturel Régional (PNR) éponyme. Les altitudes sont élevées, autour et supérieures à 900 m. Il s’agit d’un milieu montagnard où l’hiver est long et froid et les étés généralement frais et orageux. La pluviométrie est abondante, plus de 1 500 mm par an, et les températures moyennes sont négatives ou généralement peu supérieures à 0° durant trois mois. Ce climat n’est guère favorable aux cultures et convient aux prairies sur lesquelles, durant la belle saison (de mai à octobre), le bétail est au pâturage et les éleveurs produisent du foin et du regain pour nourrir le troupeau durant les longs mois de la stabulation hivernale.

Les paysages donnent à voir un vaste plateau herbagé bordé à l’est et à l’ouest par des élévations boisées. Le finage est généralement ouvert, mais une remarquable marqueterie de prés de fauche et pâtures se distingue avec des nuances de verts et la présence de clôtures matérialisées par des murs en pierre sèche, des haies basses et quelques alignements d’arbres remarquables. La densité de ces infrastructures « agroécologiques » est fonction de la nature de la roche mère : elles sont absentes des zones marneuses (Séquanien marneux) et denses dans les secteurs des calcaires durs (du Séquanien calcaire et du Rauracien).

Les finages du terroir de Cerneux-Monnot forment un quadrilatère bordé à l’est par les gorges du Doubs, à l’ouest par la puissante reculée du Dessoubre, au nord par Maîche et au sud par le Russey. En termes géomorphologiques, il ne s’agit pas d’un plateau, mais d’un pli dit coffré, portant le nom d’anticlinal de Cerneux-Monnot dont la voute est relativement plane. Il est bordé par deux ensembles plissés, plus tourmentés et étroits, en surplomb du Doubs (est) et du Dessoubre (ouest) orienté nord-est sud-ouest. L’érosion karstique est très active sur les secteurs calcaires. De nombreuses dolines sont observées. En plusieurs endroits, elles sont colmatées et ont donné naissance à des dépressions marécageuses où, par le passé, des tourbières se sont installées. Il en reste quelques-unes aujourd’hui, mais elles ont été intensément exploitées aux XVIIIe et XIXe siècle pour fournir un combustible pauvre et bon marché.

Quatre grandes évolutions paysagères sont décelées en comparant des photographies aériennes contemporaines à celles de 1958 :

  • Les parcelles agricoles s’agrandissent sous l’effet de la diminution du nombre d’exploitations agricoles et des remembrements ;
  • Les fermes en activité hébergent des troupeaux plus conséquents et construisent des granges et des stabulations à proximité des fermes originelles lorsqu’elles se localisent dans des écarts ;
  • Les forêts se densifient et se simplifient dans leur composition avec une augmentation significative des résineux. Ce fait est ancien : dans les années 1950, les jeunes peuplements de résineux sont importants et colonisent des prés secondaires souvent embroussaillés ;
  • L’habitat pavillonnaire se développe en bordure des voies de communication et des principaux villages. Cela affecte de façon moins conséquente les producteurs de Cerneux-Monnot lorsqu’ils sont localisés en dehors des agglomérations.

Le système de production des éleveurs de la fruitière de Cerneux-Monnot est en adéquation avec les potentialités agronomiques du milieu. La productivité réelle est d’environ 3 000 litres/ha, soit la valeur moyenne constatée à l’échelle de la zone AOP Comté. Elle est cependant inférieure à la productivité mesurée dans l’ensemble du Haut-Doubs Horloger. L’autonomie des exploitations appelle un besoin important en surfaces fourragères et limite ainsi le chargement par hectare et la productivité laitière.

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