Le Comté est objet d’étude du programme ACYDU. Il s’agit de démontrer sa durabilité économique, environnementale et sociale.
Dans une économie mondialisée et ultra concurrentielle, tous les arguments sont
bons pour vendre. Ainsi, on a voulu nous faire croire, ces dernières années, que la vache californienne élevée hors sol (sans jamais voir un pré), gavée de graines (comme une poule) et intensivement productrice de lait, serait plus respectueuse de l’environnement que nos Montbéliardes, qui perdent leur temps à se promener, à pâturer, à ruminer et de ce fait, à produire du méthane. Au début, on a souri de ces grosses ficelles manipulées par les tenants de l’élevage industriel et de la concentration ; mais force est de constater que ces assertions, qui heurtent le bon sens, répétées à des citadins désormais ignorants de ce que sont caillette, feuillet, panse et bonnet, finissaient par faire passer Marguerite pour une grosse pollueuse. Notre système d’élevage extensif, où chaque vache dispose au moins d’1 ha d’herbe, était en voie d’être discrédité. Il était urgent de réagir, de montrer les impacts positifs de l’élevage traditionnel, et de la filière artisanale de transformation du lait en Comté, avec des mesures, avec des chiffres, avec des preuves.
C’est l’objectif du programme de recherche ACYDU, qui utilise une approche globale d’analyse du cycle de vie des produits, pour mesurer les impacts en termes sociaux, économiques et territoriaux des filières. Contrairement à d’autres approches, elle ne se focalise pas uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre. Elle est multicritères et intègre les effets de la production sur son environnement social, économique et naturel. Elle prend en compte les effets négatifs, mais aussi les effets positifs. L’étude porte actuellement, à titre expérimental, sur 3 produits emblématiques de la gastronomie française et de ses territoires : le Comté, le foie gras du Sud-Ouest et le vin de Bourgogne et du Beaujolais. C’est une chance pour le Comté d’avoir été choisi comme modèle !
Une analyse du cycle de vie plus complète
La méthode « analyse du cycle de vie » (ACV) a été conçue pour l’industrie et le programme ACYDU vise à adapter cette méthode à la production agroalimentaire. Dans l’ACV, l’occupation de l’espace « compte en négatif », car une usine empiète sur la nature. Or, une exploitation extensive, en polyculture élevage, occupe elle aussi l’espace naturel, mais dans le sens d’entretenir un paysage ouvert, diversifié, morcelé, favorable à la biodiversité. Ses prairies naturelles stockent le carbone. L’espace mobilisé pour la production permet des phénomènes de compensation, qu’il faut mettre dans la balance pour une évaluation juste.
Le projet ACYDU est mis en oeuvre pour une durée de quatre ans et a commencé ses travaux au cours de l’année 2013. Il termine actuellement une phase importante de collecte de données qui vont alimenter les travaux de modélisation des ACV.
L’ancrage de la filière Comté dans son territoire
Concernant la filière Comté, l’ENIL de Mamirolle, sous la houlette de Jean-Louis BERNER accompagné de Xavier GIGON, travaille sur l’ACV environnementale, et le laboratoire ThéMA, avec Pascal BERION et Tatiana MAJCHRZAK ainsi que le CIHEAM/IAMM*, s’intéressent aux aspects socio-économiques.
Pour cela, une enquête a été conduite au cours de l’année 2014 par Samar SAYEB, sur un échantillon d’une vingtaine d’ateliers de fromagerie et d’entreprises d’affinage.
En matière d’impact social, économique et territorial, l’emploi est le sujet central. Les chercheurs s’intéressent à l’ancrage de l’activité dans le territoire, à sa contribution à la vie locale, à la création de valeur ajoutée économique, mais aussi à la création de valeurs immatérielles (les savoir-faire, les compétences etc.).
Pour estimer les emplois et l’activité générés par la production du Comté, l’enquête a aussi concerné les partenaires de la filière, partenaires commerciaux (fournisseurs, distributeurs, filière de valorisation des co-produits, etc.) et partenaires non-commerciaux : organismes d’appui, enseignement-formation, etc.
Les données sont en cours de traitement et les résultats seront portés à la connaissance des lecteurs des Nouvelles du Comté au fur et à mesure de leur publication. La question principale est actuellement la normalisation des indicateurs construits pour chaque filière.
Deux valeurs très prometteuses ressortent des premiers résultats obtenus (les chercheurs restent prudents et souhaitent effectuer toutes les vérifications nécessaires avant de les publier). Néanmoins, en primeur, il apparaît que la filière Comté, en ajoutant à son chiffre d’affaires, un multiplicateur économique lié aux dépenses des emplois qu’elle procure, aux consommations intermédiaires et aux investissements des exploitations agricoles, des ateliers de fromagerie et des affineurs, produirait par année une ressource territorialisée supérieure à 600 millions d’euros et générerait plus de 10 000 emplois (directs et indirects). Les travaux en cours tendent à confirmer qu’une filière territorialisée comme le Comté, avec un cahier des charges et une gestion rigoureuse a un impact cinq fois plus important sur le territoire et l’économie locale que les filières agroalimentaires fondées sur des produits industriels de base.
* CIHEAM/IAMM : Centre International des Hautes études Agronomiques Méditerranéennes et Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier.
Les partenaires du projet : Le projet de recherche ACYDU relève du programme ALID (systèmes alimentaires durables) est développé par un consortium de neuf partenaires : le CTCPA d’Auch (Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles), le BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne), l’IFV (l’Institut Français de la Vigne et du Vin), l’ITERG (centre technique Industriel des Producteurs et Transformateurs de Corps Gras), l’UNGDA (l’Union Nationale de Groupement de Distillateurs d’Alcool), l’UMR MOISA de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), le CIHEAM/IAMM (Centre International des Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes/Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier), l’ENIL de Mamirolle (Ecole Nationale d’Industrie Laitière), et l’UMR ThéMA (Théoriser et Modéliser pour Aménager) du CNRS et de l’Université de Franche-Comté.