Dans ce hameau de Bonnétage, onze fermes apportent leur lait à Luc Mourey, le fromager, pour fabriquer un Comté bio. Le petit magasin de la fruitière propose d’autres produits locaux, tous bio eux aussi.
A la fruitière de Cerneux-Monnot règne une certaine permanence des choses, qui ne nuit en aucun cas à sa modernité. La petite coopérative de onze exploitations existe depuis 1941 et n’a vu que quatre présidents se succéder : tous des Guillaume ! « Mon grand-père a créé la coopérative, puis son neveu et mon petit cousin ont suivi », explique Cédric Guillaume, l’actuel président depuis neuf années. L’homme ne se destinait pourtant pas à devenir agriculteur et encore moins président de coopérative !
Mais au bout de douze ans en tant que chauffeur routier, il a décidé de reprendre la ferme familiale et ainsi d’accomplir son souhait de créer sa propre entreprise. Son patronyme et sa volonté de donner de son temps pour le collectif ont fait le reste …
Trois nouvelles fermes en dix ans
Installée dans le bâtiment d’origine depuis 1965 (entre 1941 et 1965, il s’agissait sans doute uniquement d’une coopérative de vente de lait), la fruitière va bon train. Le Comté, seule production fromagère de Cerneux-Monnot, est labellisé Agriculture Biologique depuis 1976. « Notre affineur, les Fromageries Marcel Petite, avait proposé ce passage en bio aux sociétaires de l’époque afin d’assurer la survie de la coopérative, qui regroupait cinq ou six fermes », raconte le président. La tradition a perduré en bio et le nombre de coopérateurs a grandi petit à petit, assurant à la fruitière un bel avenir. « Nous avons accueilli trois nouvelles fermes en dix ans, la dernière en 2020, et avons le projet d’en reprendre une nouvelle l’an prochain. »
Un nouvel atelier cette année
Autre grand projet pour 2023, la création d’une extension où installer un nouvel atelier de fabrication flambant neuf. « L’existant servira de chambres froides et de locaux de préparation pour le magasin, dont l’activité est essentiellement basée sur l’expédition de nos Comté partout en France », ajoutent Cédric Guillaume et Ophélie Bricoli, la responsable de la boutique. Cet important investissement fait suite à d’autres plus petits, comme le changement des cuves en 2000, l’agrandissement du magasin en 2016 et l’isolation de la cave en 2019 où les Comté en blanc patientent juste deux ou trois semaines avant de partir, via l’UCAFT, dans les caves du Fort Saint-Antoine ou des Granges-Narboz.
Luc Mourey, l’enfant du secteur devenu fromager
On devine, à le voir évoluer simplement, que le fromager est un meneur d’hommes modeste et bienveillant. Depuis qu’il a passé ses CAP, Bac Pro et CSPâtes pressées cuites à Poligny, Luc Mourey sait qu’il veut « gérer une équipe de fromagers » dans un atelier artisanal. Mais pas question de se précipiter, d’abord, il a fallu apprendre. C’est ainsi que le jeune homme a multiplié les expériences : d’abord aux Fins, avec Thierry Arnoux à l’époque, puis aux fromageries Philippe, essentiellement à Septfontaine. « Ensuite, je suis passé fromager à Chaux-Neuve, mais c’était peut-être un peu tôt. Alors, quand la coop a fusionné avec Labergement-Sainte-Marie, j’ai accepté la place de second pour travailler avec Bernard Lavaine pendant deux ans et demi. » Luc a ensuite œuvré pour un groupement d’employeurs au sein des coopératives de Villeneuve-d’Amont, Villers-sous-Chalamont et Arc-sous-Montenot, avant de rejoindre Cerneux-Monnot, tout près de son village d’enfance, Noël-Cerneux. «Un bon Comté, c’est un travail d’équipe. Le relationnel avant tout ! », clame le fromager.
Faune & Flore locales
En partenariat avec le Conservatoire botanique national de Franche-Comté – Observatoire régional des invertébrés
Le criquet ensanglanté / Stethophyma grossum
Ce gros criquet occupe exclusivement des zones humides (marécages, tourbières, prairies …) où il passe de longues heures au soleil, perché au sommet de la végétation. Il tire son nom des marques rouges que présente parfois le corps de la femelle. Son chant caractéristique est constitué par une répétition de claquements semblables à ceux émis par un électrificateur de clôture.
La grande pimprenelle / Sanguisorba officinalis
Cette plante fleurit tardivement, en général en juillet-août, dans les prairies fraîches à humides. On la reconnaît à ses feuilles composées d’une dizaine de folioles dentées, et à son épi de fleurs rouge sombre en forme de petite massue. C’est une plante réputée pour arrêter les hémorragies, grâce à sa forte teneur en tanins. Son nom latin Sanguisorba signifie « qui absorbe le sang».
Des Comté singuliers, qui étonnent et charment
Les Comté de Cerneux-Monnot présentent à 11-16 mois d’affinage une palette diversifiée où aucune famille d’arômes ne domine. Les arômes sont soutenus par une pointe d’acidité et de sel qui apportent relief et persistance en bouche. Le bouquet d’odeurs dégagé par la pâte cassée au bout des doigts (chocolat blanc, brioché, miel …) n’annonce pas vraiment ce qui est à venir en bouche, tant la palette aromatique de ces Comté est originale !
Avec ses notes grillées, pralinées, lactique acidifié, prune très mûre, jaune d’œuf/brioche, sans oublier une pointe de muscade ainsi qu’un côté champignons séchés/terre sèche présent en fin de dégustation sur les vieux fromages, les Comté de Cerneux-Monnot sont très singuliers.
La texture, souple et onctueuse des jeunes fromages, devient plus dense, plus riche en cristaux et en microstructure dans les vieux fromages. Large palette aromatique à découvrir !
Le mot de l’affineur
Située à 900 m d’altitude, la fruitière profite des pratiques extensives de ses coopérateurs, qui assurent une flore spécifique à l’origine des goûts typiques du Comté de Cerneux-Monnot. Les Fromageries Marcel Petite prennent soin de ces Comté AOP bio depuis plus de 40 ans, longévité symbole de notre confiance mutuelle. »
Yoann Grandjean, Fromageries Marcel Petite