La fruitière de la Chaux-de-Gilley est située au coeur du Haut-Doubs, dans le pays du Saugeais, avec des pâturages situés à plus de 1 000 mètres d’altitude. La fruitière travaille uniquement avec du lait biologique. Elle fête cette année ses 40 ans de bio.
C’est en 1974 que la société de fromagerie du village fait le choix de l’agriculture biologique, la fruitière comptait alors 16 adhérents tous situés sur la commune de La Chaux. La production quotidienne de Comté était alors de six fromages en été et se réduisait à deux en hiver. Le « chalet », comme dans de nombreux villages, est le lieu de rendez-vous des agriculteurs et aussi de nombreux habitants : on y vient s’approvisionner, mais aussi chercher de l’eau chaude pour tuer le cochon, ou encore se réchauffer pendant la distillation et déguster les premiers « filets » de gentiane. On y apprend les nouvelles du village, c’est un véritable lieu de vie et de rencontre. En 1980, la société de fromagerie de La Chaux adhère à l’UCAFT, union de coopératives pour l’affinage et la commercialisation des fromages. En 1990, les producteurs cherchent à élargir leur secteur de collecte du lait au-delà de la commune de La Chaux et décident d’acheter un véhicule de ramassage du lait. Plusieurs agriculteurs des communes voisines viendront renforcer la coopérative en faisant le choix, eux aussi, de l’agriculture biologique.
Quelques années plus tard, c’est l’abandon définitif de la « coulée » pour tous les agriculteurs du village. Ce changement provoquera chez certains d’entre eux un profond bouleversement; il est même envisagé d’installer un petit tank devant la fromagerie pour permettre aux récalcitrants de continuer à venir chaque matin et chaque soir au chalet. En 1997, devant l’obligation de la mise aux normes sanitaires, les sociétaires optent pour une construction neuve. La commune va pouvoir ainsi récupérer l’ensemble du bâtiment et procéder à sa rénovation. De leur côté, les membres de la coopérative construisent un chalet neuf à l’emplacement de l’actuel atelier de fabrication conforme aux nouvelles normes européennes et dont la capacité de travail est largement dimensionnée.
C’est le début d’une nouvelle collaboration avec deux autres fruitières du secteur : La Seignette et Les Jarrons qui aboutit à la création d’un groupement d’employeurs, « Les Fruitières Saugettes ». Cette nouvelle structure va permettre l’embauche d’un fromager remplaçant pour assurer les repos et les congés des fromagers et plus tard de deux chauffeurs pour le ramassage du lait. Avec l’arrivée de nouveaux agriculteurs bio venant d’autres villages, la production continue d’augmenter pour atteindre, en 2014, 2,2 millions de litres de lait par an. Ce sont aujourd’hui 14 Comté en hiver et 22 en été qui sortent de l’atelier chaque jour. Dans le même temps le nombre d’adhérents est passé à 9 dont 4 GAEC.
Après la construction du chalet neuf, la fruitière continuera les investissements au fur et à mesure de la progression du litrage : cave d’affinage, nouvelle cuve et en 2011 une extension du bâtiment sera effectuée pour permettre une diversification des produits : Morbier, raclette et le « petit bio », un fromage à pâte molle, font leur apparition. Deux nouveaux emplois sont créés : un aide fromager et une vendeuse. Aujourd’hui, les Comté de la fruitière de La Chaux sont toujours confiés à l’UCAFT et en particulier aux Fromageries Marcel Petite.
Pour la vente directe, plusieurs points sont approvisionnés localement à Pontarlier, Morteau et les environs. Dans le Doubs, des fruitières mettent en vente dans leur magasin les fromages de La Chaux : à Doubs, Les Suchaux ou encore à Sancey-le-Grand. Sur le plan national, les fromages de La Chaux sont présents dans de nombreuses régions : Midi Pyrénées, Provence, Aquitaine, Nord Pas de Calais, Bretagne, Pays de Loire et dans les grandes villes (Paris et Lyon notamment). Enfin, en Allemagne, une société de négoce basée aux environs de Nuremberg assure la distribution dans les länder de Bavière et du Bad-Wurtemberg.
Pourquoi le choix du bio ?
Dans les années 70, la Maison Marcel Petite s’intéressait déjà au bio et avait invité l’agronome Claude Aubert, pionnier de l’agriculture biologique en France, à rencontrer les agriculteurs de la région.
C’est suite à cette visite que La Chaux s’est lancée dans le bio. Les arguments d’un Comté par essence proche de la nature avec une production peu intensive avaient fait mouche et permettaient de passer plus facilement le cap du bio dans les élevages. Mais c’était un marché embryonnaire où tout était à mettre en place et où il fallait surmonter les difficultés d’approvisionnement en céréales bio pour l’alimentation des animaux. Ce qui a été fait avec l’appui de trois minoteries de la région.
Il a fallu aussi à l’époque mettre au point les contrôles, Ecocert n’arrivera que bien plus tard en 1991. Les producteurs de lait se rendaient donc eux-mêmes dans les moulins pour viser les entrées et sorties de farine. Une forme d’auto-gestion certes responsabilisante mais qui ne serait plus envisageable de nos jours !
Aujourd’hui le Comté bio, marché de niche en phase avec la demande des consommateurs, a trouvé sa place au sein de l’AOP. « Notre seul souci est que nous manquons de produit ! », confie Georges Brantut, le président de la fruitière de La Chaux.
La flore
Les principales prairies du bassin laitier de la Chaux de Gilley sont sur des roches mères du Jurassique supérieur.
Les sols associés, du fait de la roche-mère très fracturée, sont drainants, poreux voire hyperporeux. L’épaisseur de sols disponibles pour les racines est faible. La flore associée est donc intimement liée à ce type de sols, superficiels aérés et drainants.
C’est la raison pour laquelle la petite pimprenelle se rencontre très fréquemment. Cette rosacée aux feuilles découpées et au goût si particulier de concombre est caractéristique de ces milieux séchards. De son nom latin Sanguisorba minor, dont la signification est « qui absorbe le sang », cette plante était autrefois reconnue pour ses vertus hémostatiques. Elle se consomme en petite quantité dans les salades qu’elle relève par sa touche agréable et piquante.
Le goût des Comté de la fruitière de la Chaux affinés par la maison Petite
La pâte des Comté de la Chaux de Gilley libère lorsqu’on la casse au bout des doigts pour en décrire l’odeur, des nuances lactiques douces telles que celles du « lait bouilli », du « beurre fondu », et des nuances de « gratin », de « noisette fraîche » ainsi qu’une belle odeur de “miel léger”.
En bouche, le jury terroir décrit les Comté de cette fruitière comme rappelant le « beurre fondu », parfois même le « chocolat blanc », la « noisette fraîche ». Ces notes intensément lactées se mêlent volontiers à un peu de végétal (comme « pomme de terre vapeur ») et à du caramel au lait; une note agrume comme dans le yaourt au citron apporte un peu de relief et de fruité, la note miel étant plus nette au nez qu’en bouche.
La texture est légèrement souple et souvent peu résistante ; elle est décrite fine et onctueuse. Les plus vieux fromages de cette fruitière voient leur côté « caramel » s’affirmer, les notes de « noisette sèche » et « fumé/chocolat noir » peuvent venir compléter la palette aromatique tandis que la texture devient plus mûre et moins grasse.
La Fruitière de la Chaux-de-Gilley en bref
Sociétaires : 9 (La Chaux-de-Gilley, Fournet-Luisans, Orchamps-Vennes, Les Alliés)
• Président : Georges Brantut
• Fromagers : Christian Jacquet, Ludovic Bretillot
• Vendeuse au magasin : Aline Bez
• Affineurs : UCAFT, Marcel Petite
• Litrage : 2,2 millions de litres